Szilágyi András (szerk.): Ars Decorativa 23. (Budapest, 2004)

Zsuzsa GÁSPÁR: A qui apartient le musée? Le musée et le public

indispensable », mais, au contraire, doivent être conçus comme formant une partie intégrante du musée, lui-même considéré comme une institu­tion sustentée et entretenue par le public. Donc, en définitive : une obligation. Et ce fut dans le cadre de cette perception de l'institution, que Pál Miklós entreprit les différentes transformations qui s'imposaient au musée et qu'il consacra son activité de directeur entièrement au service de la réalisation de ces nouveaux concepts. Comme je l'ai déjà mentionné, Pál Miklós était un homme circonspect qui savait évaluer avec prudence les limites jusqu'où il pouvait aller, qu'elles soient externes - cadres politiques, culturels ou sociaux - ou internes, c'est à dire au niveau du personnel, de l'espace ou de nature purement matérielle. Il connaissait exactement où se situaient ces limites mais ne les acceptait que lorsqu'elles ne venaient pas se poser à rencontre de son éthique personnelle et périlleuse. Pour parvenir à ses fins, il jouait en permanence avec ces limites, allant jusqu'à flirter danger­eusement avec la ligne de démarcation, voire même, en cas de besoin, la repoussait ou la violait. La série d'expositions intitulée Création d'espace - Elaboration d'objet (Téralkotás ­tárgyformálás) qui débuta dès la première année de son directorat est un bel exemple de la fusion qui s'était établie entre le centre d'intérêt tradi­tionnel du musée et ses liens avec l'art contem­porain, de sa position culturelle de « prestataire de service» qui, à la fois, élargissait le champ des exigences édictées par la politique artistique de l'époque et venait les complétait. Sous plusieurs autres aspects également, cette série d'expositions met en évidence de façon pragma­tique le fonctionnement et le mode de penser de Pál Miklós. En tout premier lieu, son célèbre principe selon lequel tout musée artistique se doit d'entretenir des relations étroites et actives avec les arts contemporains, ce qui dépend aussi foncièrement de ce que l'on entend par la notion de « valeur muséologique ». En ce temps-là, était déjà pratiquement terminé le processus selon lequel artistes et œuvres d'art avaient fait voler en éclats, en les transposant ou en les abolissant, les frontières qui séparaient autrefois les arts décoratifs du Grand art et qui avaient été établies, non pas en vertu d'un principe fonda­mental mais de façon quasi naturelle, au cours de ces deux derniers siècles. La conception offi­cielle de l'art, en Hongrie, à cette époque - en se gardant bien de ne pas prendre en considération les véritables courants artistiques - avait séparé de façon drastique les œuvres issues des arts dits décoratifs (ou arts appliqués) du domaine dit des «beaux-arts». Cette série d'expositions avait pour objectif d'apporter une controverse à cette conception artistique rigide : Pál Miklós choisit d'y exposer des artistes qui sur le plan de leurs qualités artistiques ou du matériau travaillé ­qu'il s'agisse de peintres, sculpteurs ou artisans d'art - avaient largement dépassé et parfois même renié le terrain qu'il leur avait été prescrit en matière de domaine artistique ou d'utilisation de matériau. D'autre part, le musée - contraire­ment aux nombreuses galeries et salles d'expo­sition - bénéficiait du droit d'organiser des expo­sitions sans autorisation préalablement requise auprès d'un jury extérieur : ce faisant, en endos­sant l'entière responsabilité des conséquences de ses actes dans son domaine d'expertise, il avait la, possibilité d'outrepasser certaines règles établies de façon implicite et non explicite par la poli­tique artistique en vigueur, règles d'ailleurs fort variables puisque arbitraires par définition. Dans la pratique, on distinguait trois catégories d'action: "assistance", "tolérance", "interdit". C'est ainsi que Pál Miklós s'octroyait le droit d'organiser des expositions autour d'œuvres ou d'artistes tolérés ou formellement interdits. Et c'est dans ce contexte que vit le jour en 1975 l'exposition d'Erzsébet Schaar. Plus tard, cette possibilité s'ouvrit également aux œuvres et aux artistes suivants, leur permettant ainsi de se faire connaître du public. Par ordre chronologique: Les compositions en textile de László Pécsi, les objets d'Endre Bálint, les sculptures-jeu de Mihály Schéner, les œuvres plastiques en textile de Lujza Gecser, l'espace formé en textiles par Ilona Keserű - qui dut à cette exposition son existence fugitive -, les machines de László Karmazsin, l'exposition au titre révélateur de «Cas limites» (Határesetek) organisée pour promouvoir les jeunes artistes, les céramiques d 'Ildikó Polgár, le projet-spectacle d'aménage-

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