Szilágyi András (szerk.): Ars Decorativa 23. (Budapest, 2004)

Zsuzsa GÁSPÁR: A qui apartient le musée? Le musée et le public

lorsqu'il fut invité à prendre la direction du Musée des Arts Décoratifs de Budapest. Il s'avéra être un enseignant passionné et, de surcroît, passionnant, tout comme un analyste et un commentateur exalté et fougueux. Il considérait le musée comme une sorte d'intermédiaire, de gardien des connaissances acquises, véhiculées et précieusement conservées, et, par voie de conséquence, à partager impérativement avec autrui. Sa conception du musée - pour reprendre la question quelque peu provocante faisant office de titre à notre article - était basée sur le principe selon lequel le musée, en réalité, appartenait au public qui le faisait vivre. Précisons cependant afin d'éviter tout malentendu, qu'il ne faisait pas là allusion aux muséologues mais bel et bien aux citoyens. A lui de rajouter qu'il était implicite de subordonner son fonctionnement à cette alléga­tion, tout évidente fut-elle. Je mentionnerais également que, par rapport au contexte de l'époque, ce point de vue et cette position n'étaient pas sans engendrer certaines tensions, sachant que ces principes ne rejoignaient que de très loin l'idéologie politique du temps. Alors qu'officiellement et au niveau des déclarations grandiloquentes tout appartenait à «tout le monde», en réalité, dans l'état socialiste cent­ralisé à outrance, et par l'absence même de démocratie, précisément la notion de « public » avait perdu son véritable sens, voire, avait pris, pour ceux qui étaient au pouvoir, un sens bien plus terrifiant. Pál Miklós, dans un article publié en 1976 dans le Bulletin des Musées (Múzeumi Köz­lemények), plaçait les possibilités culturelles proposées par le musée "en gros, entre la diffu­sion verbale des connaissances et la lecture mi­active". Il en évalua les différentes possibilités ­et on ne le comprit que plus tard -, il en élargit aussi les différents domaines. "Les musées ne remplissent correctement leur rôle social qu'à partir du moment où, au centre de ce système complexe d'exigences, - et dans leur propre acquis et devoir scientifique, dans leur tâche de gardien et de testateur des valeurs -, ils exploitent et drainent avec soin les possibilités relativement étroites censées les promouvoir" tirait-il en conclusion dans ledit article comme dans la pratique également. D'où, par conséquent, le fait qu'il ne considérât pas l'augmentation du nombre des visiteurs comme le résultat le plus significatif, mais donnait plus d'importance au fait que tout individu grâce à son expérience positive de la visite, devienne un futur assidu du musée. Parmi les quatre fonctions primordiales du musée - élargissement des collections, identi­fication précise et distincte des objets d'art, leur conservation et leur présentation -, il vouait à la présentation un rôle de premier plan, au sens élargi du terme par rapport à son acception habituelle. C'est à dire qu'il attribuait une aussi grande importance aux programmes complé­mentaires divers rattachés à l'exposition qu'à l'exposition en elle-même. "Nous ne devons pas ambitionner un nombre d'entrée qui crève les plafonds" - écrivait-il - "mais nous devons avoir sous les yeux l'objectif de donner des presta­tions de choix permanentes, de proposer des activités régulières, d'offrir au public des con­naissances solides et une expérience artistique positive. Les deux outils pour y parvenir sont : une récapitulation d'ensemble, historique et artistique, représentant la base des connais­sances standards sous forme d'expositions per­manentes, et, la matière, variable, des exposi­tions temporaires qui créent un pont informât) f et constructif avec l'art contemporain. Bien entendu, tout ceci sous une forme de prestations modernes et conformes à l'esprit du temps : avec une abondance d'informations choisies écrites ou illustrées (...), étayées par des conférences ou des visites guidées, et, toujours en respectant à tout prix les exigences des visiteurs!" Pàl Miklós inscrivit un point d'exclamation au terme de sa phrase, tout comme il écrivit par deux fois, dans cette courte citation, le mot de "prestation" que je m'empresse également de répéter et de souligner. Aussi de conclure, que les concepts énumérés ci-dessus - les expositions elles­mêmes articulées autour d'une conception bien définie, l'interdépendance des expositions entre elles au sein d'une même année calendaire, et, avec le recul, la réalisation des programmes et des catalogues s'y référant - ne doivent pas être conçues en tant que « service de complaisance » du style « c'est bien si ça existe mais ce n'est pas

Next

/
Thumbnails
Contents