Szilágyi András (szerk.): Ars Decorativa 17. (Budapest, 1998)
Lőrinc VAJDA: Une tapisserie française du XVIe siecle. Le personnage du roi Salomon de l'Ancien Testament en tant que „modele" d'un cryptoportrait d'Antoine de Bourbon, roi de Navarre
forme d'une allégorie dissimulée dans la personne du roi Salomon de l'Ancien Testament - comme représentation idéalisée de l'un des souverains de l'époque? Il serait relativement simple de répondre à cette question si l'oeuvre d'art dont il s'agit faisait partie d'un genre artistique plus «souple»; si les motifs d'une décoration festive ou les personnages d'une mise en scène liée cà un cérémonial de circonstance avaient été transmis à la postérité sous la forme, mettons, d'une esquisse. Qui plus est, nous hésiterions moins à répondre par l'affirmative si la même scène nous était parvenue peinte sur un panneau ou sculptée en haut-relief. En effet, on trouve assez fréquemment parmi ces genres artistiques un type de représentation caractéristique à la renaissance et au maniérisme nommé cryptoportrait. La majorité des œuvres d'art faisant partie de ce groupe est généralement connue, il en existe cependant quelques exemples dont il est à peine question dans la littérature spécialisée. Le tableau exécuté par Francesco Primaticcio (1504-1570) et représentant Jean de Dinteville (15041555), une figure importante de la diplomatie de son époque, sous les traits de Saint Georges est, entre autres, un exemple notoire de cette forme de représentation. 14 L'une des peintures allégoriques créée en 1537 et longtemps attribuée à Félix Chrétien (Metropolitan Museum, New York) représente, parmi de nombreux autres acteurs, le même personnage, cette fois en tant que Moïse. 15 Ce dernier exemple mérite une attention particulière aussi en ce qui concerne notre sujet. En effet, il appartient à un type particulier de cryptoportrait qui reproduit la représentation traditionnelle d'une figure de l'Ancien Testament avec une fidélité telle que la physionomie, le type et les traits caractéristiques du visage du personnage historique en question s'en trouvent presque entièrement «effacés», le rendant à peine reconnaissable. Les membres de la dynastie des Valois ayant vécu au XVI e , ainsi que nombre de personnalités de l'époque ayant entretenu avec eux des relations proches, ou même «familières», sont représentés de cette manière. Il suffit peut-être de mentionner à leur sujet une peinture somptueuse et de grande taille, ainsi qu'un marbre de fontaine, tous deux conservés au Louvre. D'une façon claire et évidente pour les contemporains, les deux compositions représentent Diane de Poitiers, la maîtresse de Henri II sous les traits de la même déesse olympienne: Diane chasseresse. 16 Il nous semble intéressant et utile du point de vue d'une interprétation de cette espèce de faire figurer ici un «témoignage littéraire» rendu par Marcel Proust à propos de l'église imaginaire de Combray et des œuvres d'art «secrètes» qu'elle recèle: «Deux tapisseries de haute lice représentaient le couronnement d'Esther (la tradition voulait qu 'on eût donné à Assuérus les traits d'un roi de France et à Esther ceux d'une dame de Guermantes dont il était amoureux)...». 17 L'exemple le plus important de tous nous semble cependant être l'un des cryptoportraits représentant François I er en tant qu'un des guerriers triomphant de l'antiquité. En effet, ce «portrait idéalisé» a été créé dans le genre artistique qui nous intéresse, puisque cette représentation glorifiant les qualités de chef de guerre du souverain français est la cinquième d'une série de cinq tapisseries. 18 Cette œuvre datée des années 1540 et conservée à Vienne prouve d'une façon convaincante qu'en tant que mode de représentation, le cryptoportrait n'est pas inconnu dans le genre artistique dans les cadres duquel la tapisserie de Budapest peut se classer 19 . Nous voici donc arrivés à la question la plus grave de notre étude: quelle est la personnalité historique - figurant sans aucun doute parmi les souverains ou les souverains «désignés» de l'époque - que la composition «tente» d'évoquer (et que nous