Szilágyi András (szerk.): Ars Decorativa 17. (Budapest, 1998)
Lőrinc VAJDA: Une tapisserie française du XVIe siecle. Le personnage du roi Salomon de l'Ancien Testament en tant que „modele" d'un cryptoportrait d'Antoine de Bourbon, roi de Navarre
accueillant son bien-aimé au retour de celui-ci. Comme nous le verrons dans les exemples qui vont suivre, une telle identification du souverain avec le bien-aimc du Cantique des cantiques constituait un élément d'importance capitale des représentations scéniques montées en l'honneur de la visite du roi; elle transmettait le message clairement politique de la solidarité et de l'interdépendance du souverain et de son peuple sous une forme à la fois religieuse et erotique. La visite du dauphin François à Rennes en 1532 était peut-être encore plus significative de ce point de vue. car le dauphin, à la fois comme héritier du trône de France et comme duc de Bretagne, se rendit dans la ville dans le but d'unifier le peuple normand et le peuple breton. Le discours d'accueil prononcé par le capitaine de la ville de Rennes au nom des habitants de la ville se termina par une citation du Cantique des cantiques: Venit dilectus meus in hortum suum (Mon Bien-aimé est descendu à son jardin, VI, 1). Cinq des huit décors de théâtre installés dans la ville comportaient une inscription tirée du poème biblique: Invenerunt me vigiles qui custodiunt civitatem (III. 3: Les gardes m'ont rencontrée, ceux qui font la ronde dans la Ville) - la remise symbolique des clés de la ville; Venit dilectus meus in hortum suum (VI, 2: Mon Bien-aimé est descendu à son jardin) - la Bretagne offre son cœur au prince héritier, l'assurant ainsi de son obéissance et de son amour conjugal; Ecce tu pulcher es dilecte mi et decorus (1,16: Que tu es beau, mon Bienaimé, combien délicieux!) - la scène représente le prince en présence de son père et démontre qu'il est l'héritier des qualités de guerrier et du courage de ce dernier; Dilectus meus michi [sic! ] et ego Uli qui pascitur inter lilia (11,16: Mon Bien-aimé est à moi. et moi à lui. Il paît son troupeau parmi les lis) - la scène présente les quatre qualités cardinales incarnées par le prince et le glorifie - Labia ejus lilia distillantia mirrham (V,13: Ses lèvres, des lis; elles distillent la myrrhe vierge.); Egredimini filiae Syon et videte Regem in diademate quo coronavit eum mater sua (III, 11 : Venez contempler, filles de Sion, le roi Salomon, portant le diadème dont sa mère l'a couronné) - la Vierge Marie descend du ciel accompagnée d'anges et investit d'une cape royale le légendaire roi Arthur représenté comme prenant le parti du prince François en tant qu'ancêtre mythique des souverains bretons; la scène souligne donc également l'origine divine du pouvoir royal. Celte symbolique «élaborée» à partir de tels motifs apparaît parfois sous une forme beaucoup plus profane dans laquelle les références au Cantique des cantiques disparaissent complètement du mariage figuratif de la ville, de la région ou du pays avec son souverain et tout l'acte endosse le caractère d'un simple rituel d'amour et de mariage. Dans ces cas. comme par exemple à l'occasion de la visite en mai 1486 de Charles VIII et en avril 1521 de François I er à Troves, de jeunes filles vierges représentent la localité en question, assurant ainsi le «fiancé» de l'intégrité de la ville, et distribuent aux membres du cortège nuptial symbolique des bouquets composés de fleurs (romarin, violette, giroflée) qui se rattachent d'une part aux diverses fêtes de printemps, et d'autre à la symbolique du mariage et de l'amour. Le motif du jardin toujours présent - ressemble désormais assez peu au hortus conclusus du Cantique des cantiques, étant devenu le lieu où se déroule une fête de caractère principalement païen. Il nous reste finalement à mentionner une utilisation du Cantique des cantiques beaucoup plus concrète que celles dont il a été question jusqu'à présent, notamment la référence à l'amour marital, à l'accord reliant le roi à la reine, à l'idée de cette relation portant également des fruits pour le pays tout entier. Dans ce cas, le chant