Folia Theologica et Canonica 11. 33/25 (2022)
Sacra theologia
40 CYRIL PASQUIER des homines et des femmes. Si la Parousie du Christ pour le jugement était considérée comme encore dans le temps, c’était uniquement sous l’aspect sombre de la damnation. Mais la perspective d’une histoire bonne au-delä du régne de l’Antéchrist, le millénium inauguré par la Parousie du Christ, selon Papproche d’Irénée, s’est perdue45. On a cessé d’attendre la Parousie, car eile était devenue un « événement » entiérement spirituálisé, faisant déjá partié de l’étemité, sans plus aucune image, représentation. On a attendu le Jugement, et done indirectement la Parousie, mais pás la Parousie du Christ pour elle-méme, comme événement de salut46. Les représentations médiévales et baroques du Christ en majesté, siégeant sur son tróné dejuge eschatologique, ont une dimension statique, intemporelle, transcendante, déjá quasi étemelle. La creation n’y apparait pas47. En réalité, pendant des siécles, on n’a rien attendu d’autre que la venue de l’Antéchrist, sa parousie. Ou bien si Ton attendait le Christ, c’était comme juge implacable livrant au pouvoir du diable les damnés. Pourtant, le jugement n’est-il pas d’abord la condamnation du diable (cf. III 23, 3)? Érasme encore, au XVP siécle, quand il publie 1’Adversus haereses, en tronque la fin et s’arréte á la parousie de l’Antéchrist, laissant de cőté tout le développement sur le retour du Christ, le royaume des justes et l’entrée dans l’étemité48. Cela ne posait pás de probléme pour lui. Cette attente de l’Antéchrist était dans la mentalité du temps. Luther en était entiérement imprégné49. La présente étude tend done á montrer qu’il faut, d’une part, conserver a l’Antéchrist une dimension historique, mérne si eile est modérée et reliée aux manifestations antérieures et postérieures du mal. D’autre part, l’attente de l’Antéchrist comme événement historique dóit aller indissociablement de pair avec l’attente de la Parousie du Christ comme événement également historique. Aux trois temps de 1’« économie du mal » observés ci-dessus répondent trois temps de l’économie de notre salut : l’Incamation, la Parousie, l’entrée dans la Gloire. Tout comme la venue finale de TAntéchrist, la Parousie du Christ serait done un événement modérément historique, et pleinement reliée a la fois á la premiere venue du Christ, Tlncamation, et á la gloire étemelle des 45 Pour une expression de l’opinion courante, voir Pieper, J., La fin des temps : Méditation sur la Philosophie de l’histoire (Prémices 2), Fribourg 1982. 149 : « Dans la tradition de la pensée historique occidentale, l’état final, á l’intérieur du temps, s’appelle couramment régne de l’Antéchrist ». 46 He 9, 28 : « Le Christ s’est offert une seule fois pour enlever les péchés de la multitude ; il apparaitra une seconde fois, non plus á cause du péché, mais pour le salut de ceux qui l’attendent». 47 Voir, par exemple, le Christ en gloire sur la voűte de la cathédrale d’Albi, France. 48 Irénée de Lyon, Érasme de Rotterdam (dir.), Opus eruditissimum Divi Irenaei episcopi lugdunensis in quinque libros digestum, Froben, Bale 1534. 49 Lienhard, M., Antéchrist, in Gisel, P. (dir.), Encyclopédie du protestantisme, Génévé 1995. 35 : « L’action de l’Antéchrist détermine toute la vision luthérienne de l’histoire ».