Folia Canonica 11. (2008)

STUDIES - Emmanuel Tawil: Eglise catholique, Saint-Siege et Etat de la Cité du Vatican: une, deux ou trois personnes juridiques de droit international?

EGLISE CATHOLIQUE, SAINT-SIÈGE ET ETAT DE LA CITÉ DU VATICAN 127 Cité du Vatican ne présente pas les critères permettant de la considérer comme un Etat ; en conséquence le Pape ne dispose pas d’un support lui permettant de bénéficier de la personnalité juridique internationale12. Selon une seconde approche, la prise de Rome n’a pas mis fin à la sou­veraineté temporelle du Pape. En effet, son pouvoir serait demeuré intact sur les palais du Vatican. Pour ces auteurs, le Pape aurait continué d’exercer sa ju­ridiction sur ce petit territoire qui, à lui seul, suffisait13. Et les Accords du Latran n’auraient rien changé à la situation, sinon que celle-ci aurait été reconnue par le Royaume d’Italie. Pour un troisième groupe d’auteurs, la personnalité internationale du Saint- Siège serait le résultat d’une concession de la part des Etats. Parmi ces auteurs, il y a Gilbert Gidel14. Celui-ci distingue deux types de personnes juridiques in­ternationales : les personnes normales et les personnes artificielles. Les person­nes normales, c’est-à-dire les Etats, répondent aux critères organiques permet­tant de déterminer si on a ou non affaire à une personne internationale. La formalité de la reconnaissance de celles-ci n’a qu’une valeur déclarative. Selon Gilbert Gidel, il existe également des personnes artificielles, qui ne répondent pas aux critères résultant du droit international. Dans un tel cas, la reconnais­sance revêt une valeur attributive. C’est à cette seconde catégorie qu’il faudrait rattacher le Saint-Siège. Cette doctrine a été notamment reprise après les Accords du Latran par Pierre Dilhac15. Selon une quatrième analyse, la personnalité juridique du Saint-Siège est tout simplement un fait, une situation sui generis. Ainsi, la personnalité juridique internationale doit être admise sans que l’on cherche à en discuter le fonde­ment16. Les auteurs d’un cinquième groupe considèrent que les relations entre l’Eglise et les Etats ne sauraient relever du droit international qui est essentielle­ment territorial. Ils relèveraient d’un ordre juridique particulier distinct du droit international public : le ius inter potestates. Cette doctrine a été défendue par le baron de Taube et le professeur Le Fur17. Le doyen Redslob a également adhéré à cette analyse en 195018. Mais cette doctrine est très critiquable car, 12 Ch. Rousseau, L’Etat de la Cité du Vatican, Paris 1930, 145—153. 13 Voir G. Flaischlen, La situation juridique du Pape comme chef suprême de la religion catholique, in Revue de droit international et de législation comparée 1904, 85—93. Sur cette doctrine, que l’on appelle la théorie curialiste, voir Cherchi, cit., 54—63. 14 G. Gidel, Quelques idées sur la condition internationale de la papauté, Paris 1911, 589 et s. 15 P. Dilhac, Les Accords du Latran, Th., Droit, Université de Rennes, 1932, 387-388. 16 F. A. Duffo, Les concordats en droit international, Th., Droit, Université de Toulouse, 1910, cité par WAGNON, cit., 52. 17 Analyse très détaillée de la pensée de ces auteurs in Cherchi, cit., 82-87. 18 «Le droit des gens n’est pas appelé à régir les rapports entre les Etats d’une part et l’Eglise catholique de l’autre»: R. Redslob, Traité de droit des gens, Paris 1950, 134 ; « Il se forme un droit entre l’Eglise et l’Etat, droit qui implique nécessairement l’attribution de la personnalité juridique de part et d’autre. C’est un droit inter-potestates, un droit entre puissances » (ibid., 136).

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