Tátrai Vilmos szerk.: A Szépművészeti Múzeum közleményei 83. (Budapest, 1995)
KOVÁCS, ZOLTÁN: Un motif de genre a la lumiere de la tradition: Le Joueur de vielle aveugle et les enfants
chaud d'une tonalité brunâtre et la fraîcheur, par moments, la virtuosité de l'écriture picturale. Mais le métier de l'artiste diffère nettement de celui que l'on observe habituellement dans les toiles autographes de Pierre Brueghel le Jeune. 46 Il s'agit là vraisemblablement d'une pièce particulièrement bien réussie de la série du Liereman, dérivée de l'atelier de l'artiste en question, copiée d'après une variante signée et exposée en 1965 à Manchaster. Sur la base des analogies établies, notre tableau peut être daté vers les années 1610-1620, datation confirmée également par les résultats des analyses techniques. 47 Devant le nombre impressionnant des versions on peut se demander ce qui explique une telle popularité du thème du joueur de vielle aveugle dans les Pays-Bas du XVII e siècle. L'histoire de la musique nous apprend que, depuis le Moyen-Age, la vielle était un instrument musical fort bien connu et répandu un peu partout en Europe. Selon les sources, elle est mentionnée depuis le X e siècle sous le nom latin d'organistrum (le langage populaire hongrois l'appelle "nyenyere"). Les documents écrits du XPV e siècle parlent déjà de la vielle comme de l'instrument favori des aveugles. Dans son Propriétaire des choses, paru en 1372, Corbichon dit: "On appelle en francoys une symphonie l'instrument dont les aveugles jouent en chantant les chansons de geste." 48 Une chronique du XIV e siècle sur Bertrand du Guesclin par Cuvelier, explique que les mendiants aveugles se servent de cet instrument pour demander de l'aumône. 49 Au cours des XV-XVI es siècles, le nombre des allusions aux mendiants qui jouent de la vielle augmente considérablement dans les œuvres littéraires, ce qui reflète l'accroissement de l'intérêt à l'égard de cette couche sociale singulière. 50 Dans son Syntagma musicum paru en 1618, Michael Praetorius présente trois sortes de vielle en ces termes: "c'est le luth des paysans et des vagabondes". 51 En 1636, le père Marin Mersenne, savant de renom et ami de Descartes, écrit dans son Harmonie universelle que l'instrument appelé vielle en français est peu apprécié par le grand public car, en raison de sa simplicité, ce sont les pauvres, en particulier les aveugles, qui en jouent pour gagner leur pain quotidien. 52 Selon le témoignage des représentations conservées, la vielle ne comptait nullement parmi les instruments sous-estimés au Moyen-Age. Ainsi, pour ne citer qu'un seul exemple, Y organistrum fait partie des instruments musicaux que tiennent à la main les 24 vieux que l'on voit dans le tympan surmontant le Portico de la Gloria, le portail du XII e siècle de la cathédrale de Santiago de Compostela. 53 Les anges, eux aussi, tiennent souvent une vielle, notamment dans l'autel Saint-Thomas à Cologne exécuté vers 1500. 54 La "déchéance" de 46 Cf. Catalogus Schilderkunst. Onde Meesters. Koninklijk Museum voor Schone Künsten, Antwerpen 1988, pp.62-69; Marlier, op.cit. (n.3) pp.377-447. 47 Cette opinion est partagée par le Dr. Klaus Ertz, auteur d'une monographie en prépararation sur Pieter Brueghel le Jeune, que je remercie ici pour ses observations relatives à notre tableau. 48 Phrase citée par Marcuse, S., A Survey of Musical Instruments, New York 1975, p. 462. 49 Chronique de Bertrand du Guesclin par Cuvelier, ed. E. Charrière, Paris 1839, p.355. 50 Les principales sources des XV-XVI CS siècles v. Hellerstedt, K.J., A Traditional Motif in Rembrandt's Etchings: The Hurdy-Gurdy Player, Oud Holland 95 (1981) p.30. n.32. 51 Winternitz, E., Bagpipes and Hurdy-Gurdies in their Social Setting, Bulletin of the Metropolitan Museum of Art 11 (1943)pp.67-68. 52 Ibid., p.68. 53 Ibid., p.63. fig. 10. 54 Pourd'autres représentations médiévales de l'instrument v. Winternitz., loc.cit. (n.51)pp. 62-69. figs. 9-17.