Radocsay Dénes - Gerevich Lászlóné szerk.: A Szépművészeti Múzeum közleményei 18. (Budapest 1961)
KOVÁCS, EVE: Un chef-d'oeuvre de jeunesse d'Oskar Kokoschka
UN CHEF-D'OEUVRE DE JEUNESSE D'OSCAR KOKOSCHKA Le tableau d'Oscar Kokoschka, conservé dans une collection privée de Budapest, que nous présentons ici pour la première fois, a été peint en 1911, année décisive dans l'évolution de son art. C'est dans cette même année que l'artiste quitte Berlin pour retourner à Vienne, et ses tableaux réalisés à cette époque — qui est déjà celle des grandes compositions — avec leur surfaces étincelantes marquent une phase du style à part dans son oeuvre. A côté de la série de portraits reproduisant avec une sensibilité extrême la psychologie de ses modèles, naissent de grandes compositions. Les chefs-d'oeuvre de cette période sont l'Annonciation et la Visitation auxquelles se range à juste titre sa ,,Véronique" (fig. 65). 1 Le visage de Véronique, d'une beauté étrange, émacié et douleureux, luit sur la toile dans une pâleur blême avec des reflets grisâtres. Derrière son visage pétrifié se dessine la forme dure du crâne. De ses longs doigts violacés et raides elle tient avec un geste inconsciamment maternel le bout de son voile dans l'angle duquel le visage du Christ est tracé avec de grosses lignes noires. Ce visage, comme la tête d'un Christ crucifié médiéval, naïvement peint, avec les veines d'où coule le sang rouge et les yeux cernés de bleu, est l'emblème brutal de la souffrance. Il est brossé avec une fougue sauvage, avec de grosses taches de couleur. La figure de Véronique est dominée par les couleurs rouges, qui dans le voile tirent sur le brun et dans la robe sur le lila intégré dans du noir. Sa figure flotte dans un espace imaginaire : autour d'elle, dans un tourbillonnement de bleus, de jaunes et de noirs, se dresse une tente tissée d'un réseau de reflets blanc étincelants. Les observations de la « psychologie analytique » se sont cristallisées avec une validité générale dans le riche oeuvre de Kokoschka, d'un pittoresque très expressif. Le visage muet de la sainte, ses mains nerveuses expriment une large gamme des reflexions émotives. Véronique est ici en même temps la Vierge, celle des Calvaires, qui vient de perdre son fils. Rien ne semble lier la compositions à la conception 1 Huile sur toile ; 119 X 80 cm. — Signé en has à droite : OK. — Le tableau est mentionné dans les catalogues raisonnes, Hoffmann, E.: Kokoschka — Life and Work. London, 1942. n° 44.; W i n g 1 e r, II. M.: Oskar Kokoschka. — Das Werk des Malers. Salzburg, 1951. n° 54. Winglcr mentionne que dans la première monographie de W e s t h e i m, P.: Oskar Kokoschka. Potsdam —Berlin, s. d. (1918) un tableau intitulé « Fille de concierge » figure comme propriété de Marcell Nemes et que ce tableau serait sans doute identique avec la « Véronique ». Cette hypothèse s'est avérée juste, car, selon les données dont nous disposons, aucun tableau de Kokoschka n'a été conservé dans l'importante collection de Marcell Nemes. Le premier propriétaire de la Véronique était un certain dr. Reichel à Vienne, et selon toute probabilité le tableau a été acheté à Reichel par Frigyes Schmidt. Le propriétaire actuel, M. Vilmos Szilárd 1' a acheté à ce dernier, encore en 1934, à la vente organisée au Musée Ernst (Cat. n° 118). Nous tenons à remercier ici M. Vilmos Szilárd d'avoir bien voulu nous autoriser à publier le tableau. Les données biographiques sont tirées dans W i n g 1 o r, H. M.: op. cit.