Csengeryné Nagy Zsuzsa dr. – Doroghyné Fehér Zsuzsa dr. szerk.: A Magyar Nemzeti Galéria Évkönyve 2. szám. (MNG Budapest, 1974)
autoportraits. Voyons, en analysant ces portraits par luimême, comment le peintre se présentait au début de sa carrière. Ses tout premiers autoportraits au crayon sont faits avec une technique délicate. 13 Ils ne présentent aucune facture personnelle notable, mais Egry semble avoir bien attrapé la ressemblance et nous montre un jeune artiste plein de sérénité et de confiance dans son avenir. La collection de la Galerie Nationale Hongroise conserve un autoportrait à l'huile datant de 1903 et atteignant à peine les dimensions d'une carte postale, 14 et une toile à l'huile plus grande peinte en 1904. 15 L'œuvre de moindre dimension (Fig. 55) traduit un sentiment de la vie assez sombre et montre que l'artiste commence à comprendre en quoi consistera sa véritable tâche. Des nuances de tons estompés alternent délicatement sur la tête modelée par le jeu des clairs et des ombres et sur le vêtement recouvrant le corps. Au verso, nous lisons les vers suivants écrits par le peintre lui-même : « En haut, jouer avec les nuages ; en bas, dans la poussière, périr, souffrir en affrontant la vie cruelle. » L'autoportrait peint en 1904 présente un visage plus dur, plus dramatique (Fig. 56). Le contraste dynamique des tons est très marqué, la matière est bien rendue et le modelé est assez accusé : toutes ces caractéristiques sont les derniers vestiges de l'influence de la manière de Munkácsy. L'année 1905 a apporté un certain changement à la carrière du jeune Egry. Non seulement le Salon, la Galerie d'Art aussi a exposé ses œuvres. Il est à regretter que ces compositions ne se retrouvent ni dans les collections publiques, ni dans les collections particulières. Leur découverte serait très importaote, car elks ont été accrochées trois fois à côté des peintures de Lajos Gulácsy et Károly Lyka a parlé d'elles dans le journal Vasárnapi Újság (Journal du Dimanche) en se servant des mêmes épithètes pour les louer. 10 Le parallèle qu'il a établi entre les deux peintres était bien fondé et il n'était pas dû au hasard. Aucun des deux artistes n'appartenait ni à une chapelle ni à une école. Une formation académique dans les bonnes règles faisait défaut à tous les deux et dans leurs œuvres la sincérité, la spontanéité de l'expression lui tenaient lieu. Dans les compositions de chacun on découvre un charme presque naïf et, éventuellement, un caractère grotesque. Chez tous les deux, bien que sous des formes diverses, se manifestent la solitude, l'abandon de l'être à lui-même. Pourtant, il ne faut pas pousser trop loin les analogies, car Gulácsy qui s'enthousiasmait pour l'art italien créait déjà des œuvres remarquables qui lui assuraient une certaine renommée tandis que Egry était encore à peindre ses œuvres mineures et les circonstances de sa vie allaient prendre une autre tournure. Le changement soudain survenu dans sa situation et aussi dans son évolution était dû en partie à son voyage à Paris à la fin de 1905. Lui-même attribuait à ses relations avec Károly Lyka d'avoir pu se rendre en France. 17 A Paris il a travaillé dans l'atelier Colorassie et à l'Académie Julian, mais il n'avait pas une bonne opinion de l'enseignement dispensé par ces écoles. Des œuvres peintes à cette époque, une seule est entrée dans la collection de la Galerie Nationale Hongroise. C'est un tableau à l'huile peint sur planche de bois, l'Ouvrier (Fig. 57), représentant un arroseur. 18 L'expression y est plus artistique que sur les œuvres antérieures. Une aiitre nouveauté, c'est qu'en se servant de peu de couleurs, des nuances du brun et de l'ocre, Egry a pourtant su représenter avec succès un motif adroitement saisi du point de vue pictural. En général, il rend mieux que par le passé la structure du corps humain, l'ordre du mouvement ou du repos, et il réduit sensiblement l'élément anecdotique du tableau. Quelques collections particulières possèdent plusieurs œuvres d'Egry présentant la même facture, la même touche et le même coloris. En plus de compositions figuratives, nous connaissons, également dans des collections particulières, des vues de la rive de la Seine et des paysages peints soit à Paris, soit en Hongrie d'après les esquisses faites en France. Les caractéristiques si marquées de sa première manière de peindre par tons y manquent presque complètement. En considérant l'ensemble de ses œuvres exécutées à Paris, nous constatons que l'influence des grands maîtres modernes qui révolutionnaient alors la peinture y est moins sensible que dans les créations de Robert Berény, Dezső Czigány, Béla Czóbel, Ödön Márffy et de nombreux autres artistes hongrois contemporains qui, comme lui, travaillaient alors à Paris. Egry a su faire confiance aux résultats de ses propres recherches comme il saura empêcher plus tard, après son retour en Hongrie, que les nouveautés apportées par d'autres envahissent vite et d'une manière décisive son art. Cela ne veut pas dire qu'il ne les connaissait pas ou qu'il ne les appréciait pas. • Pendant qu'Egry séjournait à Paris, Károly Lyka a réussi à lui trouver des protecteurs. « Au début de 1907, à l'appel et avec l'aide de Béla Jánossy et de Pál Szinyei Merse, je suis rentré à Pest. J'ai été admis à l'Ecole Supérieure des Beaux-Arts, je pouvais y travailler dans l'atelier de Károly Ferenczy et dans celui de Szinyei qui corrigeaient mes essais à peu près un an et demi seulement parce que nous n'avons pu nous supporter plus longtemps. Les méthodes arides de l'enseignement académique me répugnaient. Antérieurement, un de mes tableaux exposés à la Galerie d'Art, la composition Devant l'asile de nuit, m'avait valu une bourse d'études à l'Ecole Supérieure des Beaux-Arts que j'ai aussitôt perdue quand je quittais l'Ecole. En un mot, j'attendais avec impatience le moment de pouvoir respirer l'air libre, loin de l'école, du formalisme et du verbalisme. » ltf Avant d'apprécier ces constatations graves, jetons un regard sur les œuvres d'Egry peintes entre 1907-8, recherchons