Csengeryné Nagy Zsuzsa dr. – Doroghyné Fehér Zsuzsa dr. szerk.: A Magyar Nemzeti Galéria Évkönyve 2. szám. (MNG Budapest, 1974)
antiques se généralisait déjà et l'art adoptait de plus en plus le style harmonieux, équilibré et mesuré de l'antiquité. Chaque objet d'art exécuté à cette époque est marqué par un des motifs de l'ornementation gréco-romaine modernisée : fleurs, acanthes, festons d'oves, symétries, figures géométriques. La production artistique répand l'amour de la vie et des choses de ce monde ; elle témoigne du goût du faste et fait preuve de la recherche de l'intelligence et de l'harmonie. Le rôle culturel de Buda s'était particulièrement accentué. La cour royale était devenue un centre artistique envié, jouissant d'une grande estime dans toute l'Europe. Le roi encourageait la littérature de langue latine et donnait du travail aux chroniqueurs et scribes à gages venus d'Italie. Les peintures, tapisseries et bijoux lui étaient envoyés par des maîtres célèbres de Florence, de Bologne et de Milan. L'orgueil du palais magnifiquement agrandi, la Bibliotheca Corviniana avait acquis une réputation mondiale et la passion du roi, grand amateur de manuscrits et de livres, faisait venir dans sa cour d'excellents miniaturistes et illustrateurs. Les quelques douzaines de manuscrits qui, sur plusieurs mille, avaient survécu à la domination turque de 150 ans, justifient le bien-fondé de cette réputation. Un atelier de céramique important travaillait aussi à Buda ; de ses productions, beaucoup de carreaux de céramique, vestiges de poêles et de dallages, ont été découverts au cours des fouilles effectuées après la Seconde Guerre mondiale. Dans ces dernières décennies un grand nombre de documents et de trouvailles ont enrichi nos connaissances de la Renaissance en Hongrie sous le règne du roi Mathias Corvin. D'admirables chapiteaux en marbre, des encadrements de fenêtres, des portails, des fragments de reliefs et de sculptures ont été mis au jour par la bêche des archéologues. Les fouilles ont fait toute la lumière en premier lieu sur les produits des métiers mineurs et non seulement sur ceux qui avaient été faits en Hongrie, mais sur les produits importés aussi dont la connaissance nous permet de mieux connaître l'étendue des échanges commerciaux de l'époque, de l'Inde jusqu'à l'Espagne. Par l'intermédiaire de sa femme, Béatrice d'Aragon, apparentée à la maison d'Esté, le roi Mathias Corvin avait établi des rapports politiques et culturels directs avec les principautés et les républiques de l'Italie du quattrocento, il avait organisé sa cour, même le gouvernement de son pays selon l'idéologie la plus avancée, le goût le plus raffiné de l'époque et maniait les finances publiques de l'État au niveau de l'accumulation primitive du capital. Roi, descendant d'une famille hongroise, le dernier souverain national du royaume de Hongrie qui a subsisté jusqu'à 1916, il avait été très populaire parmi les humbles en dépit de l'absolutisme de son gouvernement. Il avait pour père János Hunyadi qui, petit noble, avait su s'élever parmi les magnats les plus riches du pays et, grand capitaine, victorieux des Turcs, avait légué à son fils le devoir de prévenir le danger d'une domination turque. Mathias put s'acquitter de cette tâche pour la durée de sa vie par l'établissement d'une monarchie centralisée. Cependant, 32 ans de son règne n'avaient pas suffi pour consolider ce pouvoir et, étant mort sans héritier, les dissensions des oligarques ont fait naître de graves troubles dans le pays. Quelques dizaines d'années après la mort du roi Mathias Hunyadi dit Corvin d'après l'animal qui orne les armoiries de sa famille, son empire bien organisé par lui s'est montré incapable de résister à l'invasion ottomane. Après le désastre de Mohács en 1526, un tiers du territoire de la Hongrie a été occupé par les Turcs, la Hongrie occidentale est devenue province héréditaire de la maison Habsbourg et la partie orientale, la Transylvanie, s'est constituée en principauté indépendante. Dans le pays démembré, l'évolution de l'art a été rompue. La Hongrie divisée en trois parties était déchirée par la guerre qui faisait fureur à ses frontières. Les opérations de guerillas, la situation précaire de la population et la décadence de l'économie ne favorisaient pas l'activité artistique. L'aspiration au beau n'en était pas pour cela moins forte dans les âmes et, bien que réduites à un rythme ralenti, les activités culturelles ne manquaient pas entièrement. Les moyens très modestes dont on disposait ne permettaient pas à l'art de progresser, de faire du nouveau : il dut se contenter de mettre à profit ce qu'il avait hérité de la Renaissance. Or, l'art avait été si vigoureux, si riche sous le règne du roi Mathias que les valeurs artistiques de son style et les caractéristiques de ses genres ont pu survivre presque pendant deux siècles malgré les circonstances peu favorables. Dans cette situation les artistes hongrois étaient réduits à leurs propres ressources et à leur ingéniosité pour combler les lacunes de leur formation professionnelle, puisque coupés du reste du monde, ils ne pouvaient pas connaître les tendances nouvelles qui se manifestaient alors dans les pays étrangers. Les maîtres mineurs, artisans et artistes de talent, sortis du peuple, ont fait beaucoup pour l'art abandonné à son sort. Pareillement aux motifs ornementaux, aux palmettes de l'époque de la migration des peuples lesquels avaient réapparu dans l'architecture romane, les motifs de fleurs du style Renaissance foisonnaient sur les productions des arts majeurs. Ce trésor de motifs de la Renaissance existe encore aujourd'hui : on le retrouve sur les sculptures de bois de nos bergers, sur nos broderies et poteries rustiques. Les recherches complexes menées en commun par nos ethnographes et nos historiens de l'art ont abouti à la constatation qu'au cours de l'histoire de l'art hongrois les frontières entre problèmes professionnels et tendances de style s'effaçaient souvent et qu'il est fréquemment arrivé que la perfection artisanale trouvât sa place parmi les catégories esthétiques. L'orfèvrerie hongroise par exemple avait rivalisé par sa valeur et sa qualité pendant plusieurs siècles avec les arts les plus respectés ; il arriva même que la sculpture