Csengeryné Nagy Zsuzsa dr. – Doroghyné Fehér Zsuzsa dr. szerk.: A Magyar Nemzeti Galéria Évkönyve 2. szám. (MNG Budapest, 1974)
ou mieux encore, en s'efforçant de faire leur synthèse que Lissitzky a créé ses photos plus marquées de l'empreinte de ces tendances que de l'influence d'œuvres du même style de Moholy-Nagy, de Mari Ray ou de Grosz, 17 Dès les premières années 1920, il s'adonna à la photo 18 et à partir de 1930 il consacrait à elle la meilleure partie de son activité. 13 Son projet de décoration de tribune avec la figure de Lénine (connu sous le nom de Tribune de Lénine) présenté en 1924, l'année où il avait été conçu, à une exposition internationale organisée à Vienne, se distingue par l'application de la technique du photomontage 20 . La veuve de l'artiste date de cette même année une photo de Lissitzky qui nous intéresse en premier chef par son style particulier qui ne dénote pourtant aucun écart des tendances générales. Nous parlons d'un photogramme-photomontage, le portrait de l'artiste fait par lui-même en 1924 et auquel la veuve a donné le titre de Constructeur 21 (Fig. 61). Le titre annonce déjà que cette composition a été conçue dans l'esprit du constructivisme et l'emploi d'éléments géométriques, cercles et carrés disposés horizontalement et verticalement en fait aussi preuve. La main appliquée sur le visage, la paume laissant apparaître les yeux brillant« d'un homme possédé, les formes insaisissables qui s'effacent, se résolvent les unes dans les autres révèlent un sentiment nouveau de la vie : la tendance d'atteindre à la plénitude enrichit les règles trop rigides du constructivisme de ce qu'elle avait d'inattendu et d'étonnant. Le choix de la technique a été déterminé par l'esprit de l'objectivité et cet esprit domine aussi dans la manière de rendre la texture de la main, du pull-over et d'autres matières. La portée symbolique de l'œuvre est directe, claire ; elle n'a rien de commun avec le langage mystérieux des surréalistes, elle dépasse de loin la conception mystique et talmudiste de la période où l'influence de Chagall se faisait encore sentir sur ses œuvres. Mais ce changement ne s'est pas produit sans que l'artiste ne sache reconquérir une certaine poésie des mythes pour la faire entrer dans la représentation de l'homme moderne, créateur, maître de sa propre destinée, qui était et restait son objectif principal. Cette œuvre trahit que le peintre a réussi à se débarrasser de la mythologie emportée par les temps et aussi des entraves du constructivisme qui avaient paralysé ses élans. Il a su conserver tout de même quelque chose de l'une et de l'autre : la poésie de la mythologie et la rationalité du constructivisme. 22 Deux autres portraits de Lissitzky (datés de la même année), ceux d'Arp et de Schwitters ont la même valeur par leurs formes et leur portée symbolique. Pourtant, c'est l'autoportrait dit le Constructeur qui a dû devenir une source d'inspiration pour l'avant-garde hongroise d'esprit progressiste de l'époque. Cela s'explique tant par l'importance de l'idée-symbole de l'œuvre que par la nouveauté de sa manière, de sa technique et aussi par le fait dû au hasard que c'était justement une reproduction de cette composition qui était parvenue en Hongrie. Nos artistes qui s'enthousiasmaient pour des idéals politiques et des principes esthétiques communs à tous les peuples civilisés étaient déjà bien préparés à pouvoir s'inspirer de ce tableau pour l'idée aussi bien que pour la forme. 23 Bien que par suite de la chute de la République des conseils hongroise de 1919 la plupart des artistes de l'avant-garde hongroise d'esprit progressiste fussent contraints d'émigrer (à Vienne, Berlin, Paris, Moscou, après que l'Union Soviétique leur avait ouvert ses frontières) et que ceux qui restèrent dussent, à cause de l'oppression, consentir à des compromis ou, fatigués, se tenir à l'écart, le souvenir et l'exemple d'une révolution si brève qu'elle fût, a fait surgir de nouveaux animateurs dans le domaine de l'art aussi. La reprise des recherches et la continuation des tendances amorcées dans les années précédant la guerre sont dues aux représentants d'esprit avancé de la génération du feu. Ces jeunes artistes étaient nés vers 1908. Leur existence était des plus difficiles. Ils débutèrent aux années de terreur qui suivirent la Première Guerre mondiale et la révolution étouffée, puis, quinze ans à peine après, ils se trouvèrent en face de difficultés insurmontables et de souffrances inhumaines causées par la Seconde Guerre mondiale. Plusieurs de ces artistes alors jeunes vivent toujours à l'étranger, d'autres ont péri et peu sont restés, en se débattant entre mille difficultés, dans leur pays. Les quelques jeunes peintres qui, vers 1925, commencèrent à s'intéresser à ce qui se faisait alors en Europe dans le domaine de l'art, se sont connus à l'Ecole Supérieure des Beaux-Arts où ils faisaient leurs études sous la direction des maîtres István Csók et János \aszary. Ces deux peintres représentaient à l'époque dans le corps enseignant de l'École l'esprit le plus libre ; Csók allait jusqu'à l'impressionnisme décoratif, Vaszary de son côté était acquis à la conception d'un art décoratif plus étroit des Fauves. Us s'empressaient tous les deux, \aszary en particulier, de mettre à la disposition de leurs élèves des ouvrages et des reproductions d'œuvres modernes et n'entravaient nullement leurs aspirations vers le nouveau. Ces jeunes artistes ont connu, par les publications qui leur tombaient entre les mains, Picasso, Kandinski, Klee, Le Corbusier, la Bauhaus. Dans la musique ils se passionnaient j our Bartók, Stravinsky, Schönberg \ ils lisaient Apollinaire, Tzara, Kassák pour ne mentionner que les représentants les plus marquants de l'esprit de leur temps. Ils s'intéressaient aussi à l'idéologie socialiste, au marxisme. Ils suivaient donc avec attention l'évolution de l'art russe et témoignaient de l'intérêt surtout à Malevitch et à Lissitzky. Ils ne lisaient pas que les écrits de Lénine, ils connaissaient aussi les théories russes de l'art et les études de Kandinsky et de Malevitch publiées par la Bauhaus. 21 Agés de 18 à 20 ans, ces jeunes gens formaient un tout petit groupe dont l'un des animateurs devait être Dezső Korniss. 25 C'est pourquoi nous pouvons donner crédit aux souvenirs de ce dernier 20 qui atteste qu'au début, en 1925, le groupe ne comptait que trois membres : György Kepes 27 ,