Csengeryné Nagy Zsuzsa dr. – Doroghyné Fehér Zsuzsa dr. szerk.: A Magyar Nemzeti Galéria Évkönyve 2. szám. (MNG Budapest, 1974)
L'INFLUENCE DES PHOTOMONTAGES D'EL LISSITZKY SUR L'ART HONGROIS L'œuvre d'El Lissitzky est, peut-être, l'un des miroirs qui reflètent le mieux la transformation survenue entre les deux guerres dans l'art soviétique et dans l'art européen. Le constructivisme qui aspirait à améliorer systématiquement les conditions de vie des hommes, le surréalisme qui poursuivait le but de libérer l'appétence de l'individu et la Neue Sachlichkeit (Nouvelle objectivité) désireuse d'établir des rapports réels et intimes entre l'homme et son environnement se sont manifestés, chacun en soi et ensemble, dans les créations de cet artiste. 1 El Lissitzky n'avait pas quitté sa patrie ; il souhaitait faire fructifier son savoir au service du progrès pour lequel la révolution victorieuse avait ouvert de larges horizons nouveaux et il espérait déployer ainsi son talent. 2 Comme Tatline, Rodtchenko, Schwitters et Moholy-Nagy, 3 lui aussi appartenait à la deuxième génération de l'avant-garde européenne progressiste mais plutôt par le caractère de l'évolution de son art que par l'âge puisqu'il était né en 1890 4 tandis que Tatline en 1885 et leur prédécesseur, Malevitch déjà en 1878. 5 L'art de Lissitzky s'est développé parallèlement à sa prise de conscience et son engagement social. II était né dans une famille de petits bourgeois à Vitebsk, l'un des centres de la communauté des juifs en Russie. Sa mère était une juive orthodoxe très pieuse. Les premières impressions de l'art que l'enfant avait acquises lui furent offertes par les maisons en bois de Vitebsk, les livres illustrés et le folklore juifs. Chagall qui a exercé une certaine influence sur Lissitzky dans la première période de l'évolution de l'art de celui-ci était sorti du même milieu, et de ses impressions d'enfance et de jeunesse il construisit un expressionnisme riche d'éléments cabalistiques et mystiques. 6 Cependant, Lissitzky a pu échapper, grâce à ses études à l'École Polytechnique de Darmstadt à partir de 1909 et à ses voyages en Europe, au mysticisme de ce milieu étroit et fermé. Puis, les événements de la Grande Révolution d'Octobre et probablement les rapports aussi qu'il avait comme professeur avec Malevitch à l'Ecole Supérieure de Vitebsk, fondée après la victoire de la révolution," l'ont détourné de l'irrationnalisme de Chagall et son attention se concentra désormais sur le problème de l'organisation de la vie de l'homme nouveau dans la société nouvelle. Cette activité était en harmonie avec les efforts constructifs du même caractère qui se manifestaient alors en Europe. Lissitzky pouvait les connaître sur place puisque dans les années 1920 il a organisé plusieurs expositions démonstratives d'œuvres d'artistes soviétiques dans les pays d'Europe occidentale. Ses Prouns (projets de la reconnaissance du nouveau 8 ) faits pour la plupart dans son atelier de Vitebsk au cours des années 1920 9 trahissent la connaissance des efforts pareils de Malevitch et des tendances connues sous les noms de Bauhaus et de De Stijl, Malevitch s'opposait encore au principe d'utiliser l'art dans la vie pratique, et il considérait ses modèles d'objets et de constructions architecturales commes des idées et non pas comme des prototypes. Par contre, ceux qui appartenaient à la génération de Lissitzky se préparaient à construire réellement et cherchaient à enrichir leurs connaissances des matières, des structures, des systèmes et des procédés divers. C'est cette curiosité qui les a décidés, Lissitzky en particulier, à s'intéresser à la photographie d'abord puis au film considérés comme des matières et des moyens nouveaux. 10 L'idée d'utiliser la photo dans l'art, ce sont les dadaïstes allemands qui l'eurent les premiers 11 et les surréalistes et les constructivistes la mirent en pratique au cours des années 1920. 12 A cette époque, la photo était déjà si bien liée aux autres branches de l'art que les dadaïstes allemands et Max Ernst se disputèrent le mérite de la découverte de ce procédé. 13 A tous ceux qui étaient animés d'esprit constructif la photo a apporté la joie d'une nouvelle expérience ; par contre, les dadaïstes et les surréalistes n'y trouvaient qu'un moyen d'épouvanter, d'épater et de provoquer le public. En plus de ces objectifs qui traduisaient les besoins de la société, la liaison de la photographie et de l'art s'explique aussi par l'évolution immanente des beaux-arts, par cette nécessité de reprendre et d'assagir le thème banni ou devenu incertain, effacé, étranger, méconnaissable dans les productions des années 1910 et dans celles des premières années 1920. Et ce besoin a été aussi fortement ressenti par les artistes eux-mêmes qu'imposé par la société. 14 H faut que nous insistions sur ce fait, que nous disions qiie les formes géométriques ont perdu toute signification ; entraînées par la mode et se pliant aux exigences du commerce, elles ne paraissaient plus propres à exprimer une idée artistique et sociale. 15 Dès la deuxième moitié des années 1920, le thème rentre dans l'art ou demande d'y être plus clairement formulé. Cette évolution est représentée par la philosophie de valori plastici, 18 par la neue Sachlichkeit (nouvelle objectivité) allemande, le surréalisme français, le réalisme constructif soviétique et le réalisme socialiste. En fait, c'est pour satisfaire aux exigences de ces trois tendances, constructivisme, surréalisme et nouvelle objectivité, apparues à la même époque presque simultanément,