Pogány Ö. Gábor - Csengeryné Nagy Zsuzsa dr. szerk.: A Magyar Nemzeti Galéria Évkönyve 1. szám. (MNG Budapest, 1970)
GYÖRGY KOHÁN (1910—1966) La première rétrospective de György Kohán (né en 1910), eut lieu seulement en 1965 dans dix salles de la Galer e Nationale Hongroise. Elle présentait pour la première fois les fruits de trente années d'activité, peintures, dessins et gravures remarquables jusqu'ici ignorés du public selon le dessein même de leur auteur. Ce fut une révélation. Cette longue période de maturation des idées comme de la forme pendant laquelle le peintre révisait sans cesse ses moyens et ses résultats fut reconnue et appréciée par l'Etat. 11 décerna à Kohán une haute distinction, le prix Kossuth qu'aucun autre artiste n'avait obtenu depuis quatre ans. Cette fois, ce n'est pas uniquement cette haute distinction qui dirige notre attention particulièrement sur l'œuvre de Kohán parmi les trésors de l'art hongrois contemporain. Le problème de la durée des œuvres d'art, de leur survie s'imposant à chaque époque et redevenu de nos jours d'une actualité brûlante nous engage également à nous occuper de l'œuvre de ce peintre eminent. Les réflexions qu'un tel problème peut provoquer en chacun ont pour objectif principal l'établissement d'une sorte de pronostic artistique. En analysant les causes qui font que certaines œuvres ou l'ensemble des créations d'un artiste sont voués à l'immortalité à leur naissance, tandis que d'autres ne sont reconnus et appréciés que plus tard —si elles le sont —, nous devons remonter au passé et, aidés de l'enseignement que nous en aurons tiré, essayer de définir la valeur que les critères établis pour les œuvres déjà existantes pourraient avoir à l'avenir ; en un mot, nous devons reconnaître les caractéristiques qui assureraient à l'art de nos jours sa durée et lui feraient conserver son importance pour notre postérité aussi. Aux grands tournants de l'histoire des styles la réalisation de tels pronostics a toujours dû être très problématique par suite du changement radical du goût. Et, à notre époque, —outre le goût et la conception du monde, facteurs esthétiques et sociaux sujets eux aussi à des variations, —des conditions toutes nouvelles peuvent surgir inhérentes au modernisme et à la durée de l'art puisque chaque jour développe les perspectives cosmiques de l'humanité et la prévoyance artistique fait du seuil de cette nouvelle vision cosmique des bonds gigantesques en avant, alors que même l'imagination la plus terre à terre prend l'essor et poursuit des images qui auparavant paraissaient au moins étranges. Mais quelles directives héritées du passé et reçues du présent pourraient donc s'imposer à l'avenir quand il fera un retour en arrière et portera ses regards sur l'art de nos jours, sur cet art qui se réjouit ou se consume à la vue des tendances constrictives ou destructives de l'humanité ? L'avenir devra démêler tout un enchevêtrement d'éléments esthétiques et d'idées avant de se mettre à déchiffrer les signes lisibles ou à peine lisibles d'une œuvre. 11 est peu probable que la postérité prenne l'art de notre époque pour un simple kaléidoscope qui ne lui donnera qu'une multitude joueuse de variétés non-figuratives. Et cela, parce qu'elle ne manquera pas de découvrir derrière les chiffres énigmatiques de l'art moderne un autre aspect, un autre visage plus humain, étant plus conscient des problèmes de nos temps, au regard plus pénétrant aussi, visage à double physionomie sur lequel il pourra lire d'un côté une méditation amère sur le danger qui menace l'humanité ou bien l'appréhension de ce danger, de l'autre côté la sérénité de celui qui aura entendu l'appel de la muse des beaux-arts, muse moins sévère mais empreinte pourtant de ses responsibilités. En raison des grands problèmes réjouissants et angoissants à la fois de notre planète et de notre époque, le pronostic de la durée ne conviendra peut-être qu'à l'art dans lequel la postérité découvrira, malgré ses perspectives changées, la puissance de l'artiste d'aller au-delà du passé et du présent, de rechercher et de prévoir dans l'avenir les lois qui régiront la nature et notre existence et de parvenir à relier entre eux les âges et les peuples par l'expression fidèle des nostalgies et des bouleversements humains. De telles œuvres l'humanité jaillira toujours avec la même intensité que l'art et avec une telle force élémentaire que la postérité ne saura s'y tromper. Le caractère de leur rayonnement sera symbolique dans les idées, héroïque — ouvertement ou d'une manière déguisée — dans les passions, constructif et synthétique clans la forme. Grâce à l'alliance naturelle des facteurs intérieurs et des facteurs extérieurs, ces œuvres apparaîtront liées entre elles et constitueront des unités indissolubles. D'accord, mais nous voilà que nous recourons à des notions abstraites pour définir l'art qui est, avant tout et essentiellement vie, réalité condensée que l'artiste saisit à travers et dans les faits et phénomènes de la vie. L'acte notable de tout artiste consiste dans la transformation de la poésie des expériences en une poésie des formes. Les chances qu'ont les œuvres de durer dépendent de l'inspiration, de la puissance et de la vérité de l'inspiration,