Pogány Ö. Gábor - Csengeryné Nagy Zsuzsa dr. szerk.: A Magyar Nemzeti Galéria Évkönyve 1. szám. (MNG Budapest, 1970)
adopté cet héritage serbe et religieux et leurs symboles qu'il sentait proches de lui. Il devait avoir des motifs particuliers pour adopter justement cette religion. 11 recherchait une communauté en laquelle il pouvait avoi foi, mais dans les années 1930 cette communauté tant cherchée ne se trouvait nulle part. Au lieu de découvrir des liens vivants, intimes, une communauté luttant pour des idées semblables, il est tombé, en recontrant sur son passage les églises serbes, les icônes, les croix de cimetière et les croix de fer villageoises, sur les souvenirs intimes d'une religion en décadence Tous ces éléments, malgré qu'ils apparaissent sur diverses œuvres, font, en somme, un ensemble conservant les traces d'un même sentiment, d'une même manière de vivre condamnée à disparaître. L'ambiance du foyer est jointe à celle des églises, les pensées qui s'y rapportent s'enchevêtrent, se confondent. Les tableaux Clochers aux motifs de port et Clocher avec ?iature morte aux assiettes (Fig. 92.) fournissent des exemples vivants de cette synthèse. Vajda relie l'église à l'assiette, symbole du foyer et, pour sensibiliser davantage l'ambiance de ce dernier, il fait entrer dans la nature morte de minuscules fenêtres grillées. L'église et l'assiette se déterminent l'une l'autre faisant une unité et la ligne de leur silhouette commune n'est brisée que par une pelure de pomme en forme d'arc semblant sortir du tableau. Les trois motifs de l'église, de l'assiette et de la maison donnent un cadre, une forme à la vie ou, pour mieux dire, à cette utopie que Vajda a édifiée pour lui-même avec les objets réels, existants et avec l'ambiance qui se dégage d'eux. 11 n'aurait pas cru, lui, que le monde puisse être aussi clos, délimité et parfaitement harmonieux, il n'aurait pas cru que ces éléments puissent s'emboiter sans aucune difficulté, il n'aurait pu sentir qu'il puisse en être ainsi, il aurait seulement désiré que cela fût, que cela se réalisât. Comme nous venons de le dire, il avait bâti son utopie avec des éléments trouvés dans son entourage pour prêter ce caractère particidier seulement à l'ensemble, à la composition, aux rapports mutuels des objets. En faisant cela, il n'a jamais peint d'idylles, il n'a jamais cherché à faire de l'effet par le beau excessif, par le facile, par le vaporeux ; ce qu'il a créé, ce n'est qu'un monde tranquille, non troublé où les hommes peuvent vivre en paix. Chez Vajda, cette singulière utopie provient directement de la réalité. C'est ainsi que son Christ en fer blanc (Fig. 93.), symbole deux fois millénaire de l'homme souffrant, les bras en croix, la tête penchée de côté, devient une vision après s'être détaché de la réalité tout en la surmontant. Pourtant, pour Vajda la croix a une autre signification : elle ne représente pas le Christ, elle n'est pas le symbole de l'homme souffrant. Vajda ne peint pas le Christ, il ne peint pas un dieu, il peint un certain Christ en fer blanc, se dressant dans le voisinage de la petite ville de Szentendre devant lequel les paysannes s'agenouillent pour faire une courte prière. Ce n'est pas l'idée du Christ qui prend corps, mais, au contraire, Vajda condense dans un objet toutes les associations que le Christ a éveillées en lui. Le petit bouquet soigneusement déposé aux pieds du Crucifié est le signe qu'il n'est pas oublié. Cela touche encore à la réalité, ce n'est pas encore une association : les formes nées des associations d'idées apparaissent autour des deux bras étendus du Christ, Jésus s'appuie à la proue d'une barque en s'y accrochant, au-dessus de lui il y a un motif rappelant une cheminée de bateau, des fenêtres, à gauche un mât ; l'autre bras repose sur un pain et le tout est enfermé dans un carré. En ressuscitant le Christ enfer blanc, Vajda l'ait siennes une tradition, une conception du monde, une tradition artistique et intellectuelle à la fois, dont le symbole et la personnification sont justement cette œuvre fruste. En choisissant ce motif, Vajda semble trouver son inspiration dans un retour au primitif, au populaire. Il voudrait. 92. Lajos Vajda (1908-1941) : Clocher avec nature morte aux assiettes. 19:i7 Vajda Lajos (1908—1941): Torony tányéros csendélettel. 1937