Korner Éva - Gellért Andor szerk.: A Magyar Nemzeti Galéria Közleményei 5. szám (Budapest, 1965)

le plus grand succès à l'exposition du Belvédère en 1922. Outre les critiques des quotidiens, elle attira l'attention de tous les critiques d'art remarquables — comme György Bálint, 29 Ernő Kállai. 30 Les interprétations sont différentes. « Des ouvriers sont assis en cercle autour de la table. Une tristesse profonde et amère émane de cette toile, les figures sont autant de héros humiliés d'une révolte écrasée » ­écrivit Bálint. 31 Kállai considère le tableau comme la conception moderne de la cène biblique, où des hommes tristes et brisés se disent adieu dans le paisible et triste paysage du crépuscule, et l'idée angélique de l'amour du prochain les tient sous son empire. 32 Un raisonnement semblable amena le comité d'organisation de la première exposition à changer le titre du tableau et à l'intituler la Communion, puisque le nombre des figures est de cinq, ce qui ne convient ni à la cène, ni à la fraction du pain d'Emmaüs. Selon le témoignage du livre de Mme Derkovits, 33 le peintre lui-même protesta contre le changement du titre. Le livre constate à ce propos: «Derko­vits a puisé son sujet dans ses réminiscences de famille. A ces soirs de dimanche d'autrefois, ils entouraient la table, lui et ses frères, et pendant le repas avaient lieu de grandes et fructueuses discussions.» 34 Examinons d'un peu plus près le tableau. Au premier plan, autour de la table, en vue plongeante, cinq personnes. Quatre sont assises, songeuses, la cinquième se tient de­bout, face au spectateur. D'une main, il fait un geste ex­pressif, tandis qu'il laisse tomber l'autre sur la table. La première figure de droite fait des dessins sur un carton, son voisin s'appuie des deux mains sur un livre; à gauche, l'une des figures croise les bras sur sa poitrine, l'autre imite inconsciemment le geste de la personne qui parle. Les cinq hommes, en pleine maturité, sont à peu près du même âge, et leurs visages même se ressemblent beaucoup. La table est en plein champ, au fond se détachent les contours des arbres et des maisons d'une petite ville, bâtie sur une col­line. Venant de gauche, un faisceau de lumière crépusculaire éclaire les figures. La symétrie rigoureuse et la charpente constructive de la composition sont l'alliance des principes de construction de la Renaissance et de la constructivité de Cézanne, et elles frôlent même les problèmes du cubisme, fait constaté déjà par Ernő Kállai. 35 Il est pourtant difficile d'expliquer ses contradictions iconographiques. On pourrait imaginer que l'idée inspira­trice ait été le souvenir d'un ancien dîner à Szombathely, mais plusieurs indices démontrent qu'au cours de l'exécu­tion, Derkovits ne suivit pas minutieusement ce souvenir. Il y a cinq personnes autour de la table, et les Derkovits n'avaient que quatre fils. On pourrait supposer que la cinquième soit le père, mais aucun des cinq ne montre une différence d'âge permettant de dire: celui-ci, c'est le père. Ou bien serait-ce pour les besoins de la symétrie qu'il a ajouté la cinquième figure ? Il est facile de constater que la représentation entière est exempte de toute réminiscence, de tout lyrisme attendri, les figures n'évoquent pas les jeunes garçons de Szombathely, discutant sans cesse, elles ressemblent plutôt à des géants traitant des problèmes graves. Ce sont des figures d'ouvriers — écrit Bálint en parlant d'eux. Et nous y ajouterons: c'est la partie intel­lectuelle qui domine dans leur silence lourd de pensées, dans leur recueillement, — et jusque dans leurs attributs — le crayon et le livre. Nous pourrions même reconnaître le modèle de l'ouvrier des Trois générations dans une des figures de droite. Si nous examinons de plus près les visages, nous consta­tons que tous les cinq, dont la ressemblance est frappante, sont des autoportraits de Derkovits. Le premier à gauche est une variante de l'autoportrait à la barbe, et les quatre autres sont des répliques de l'eau-forte de 1921, mais en différentes vues. Le point de départ de la Cène est que Derkovits se souvenant de ses frères, ne fait que se multiplier lui-même. Pourquoi voulait-il se dissimuler dans la Cène ? Pour la même raison qui fait que l'ouvrier des Trois générations ne fait qu'évoquer les traits de Derkovits sans s'identifier à lui. Derkovits veut condenser plus de contenu dans ces figures, il veut y mettre plus que soi. Voilà ce que Bálint écrit en parlant des figures do la Cène: « Autant de héros humiliés d'une révolte écrasée.» Sans doute, on écrivant ces mots, il fait allusion à la République des Conseils. Dans ce sens, la Cène est l'allégorie des dirigeants intellectuels de la République des Conseils qui, politiciens, écrivains, artistes, dispersés après la défaite, resserrent leurs rangs. Mais le parallèle de la Cène et des Trois générations nous révèle aussi la différence existant entre la manière du jeune Der­kovits et celle du Derkovits d'âge mûr. Dans la Cène, le peintre entoure ses figures de mystère, tandis que le symbole de l'ouvrier lisant dos Trois généra­tions est absolument simple et clair. Ce truchement d'une figure de portée universelle, l'ex­pression du type par soi-même se dégage naturellement, sans efforts. On peut remarquer plusieurs motifs d'auto­portrait aussi dans la série « 1514 », le chef-d'œuvre de sa vie. Nous irions même jusqu'à y voir la forme d'expression la plus achevée du type d'autoportrait que nous étudions et que nous retrouvons à l'époque délimitée par la Mangeuse de raisins et le Jour d'hiver. Sur la planche intitulée La répression, 36 (Fig. 27.) János Zápolya, victorieux, dominant la pyramide de cadavres enchevêtrés, foule un mort des pieds. Sur le visage figé du mort, aux yeux fermés, nous retrouvons les traits de Derkovits. La Répression cons­titue un bel exemple de l'expressionnisme recherchant de préférence l'horrible, un bel exemple de la force expressive poussée à son apogée. Derkovits so pénètre tellement du monde représenté, que lui-même se sont anéanti sous les coups des forces ennemies. Les victimes du massacre de 1514 à Temesvár, il les sentait aussi proche de lui-même que les proies de la guerre ou de la terreur. Il n'est pas sans :i-t

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