Korner Éva - Gellért Andor szerk.: A Magyar Nemzeti Galéria Közleményei 5. szám (Budapest, 1965)
Kernstok, et il est aussi hanté par les problèmes de composition et d'espace, problèmes touchant le cubisme qu'il a connu par l'intermédiaire de János Kmetty. Pendant les années de Vienne, l'expressivité des œuvres de Derkovits s'accroît dans une telle mesure qu'un des critiques étrangers de l'exposition de 1925 à Vienne va jusqu'à comparer notre artiste à Emile Nolde. 15 Après son retour de la capitale autrichienne, l'art de Derkovits témoigne d'un certain apaisement et d'une; adaptation aux traditions de la peinture hongroise, quoiqu'il Tie renonce jamais à apporter une solution toute personnelle aux tendances modernes soit européennes, soit nationales. Les inscriptions du tableau Moi et ma femme prouvent donc que Derkovits lui-même tenait à délimiter les différentes périodes de sa vie. Entre 1927 et 1929, Derkovits a peint plusieurs autoportraits le représentant en compagnie de sa femme. Ils portent le titre de Nous deux. 16 Le peintre travaille et, près de lui, sa femme vaque aux travaux du ménage, ou bien elle regarde le tableau que fait son mari. La scène n'a jamais rien du genre, puisque l'analyse des figures, comme la disposition du tableau sont le résultat d'une profonde concentration. La charpente du chevalet donne la base de la composition sur laquelle se règlent les autres éléments répartissant l'espace. Le centre est formé par le peintre qui travaille, ou, pensif, regarde devant lui. La figure de la femme apparaît tout naturellement, comme personnage permanent de son entourage et première contemplatrice de l'œuvre naissante. Le milieu est très sommairement indiqué par quelques meubles simples, objets et bibelots qui lui donnent une signification symbolique. La chambre exiguë que l'œil ne peut embrasser que depuis l'embrasure de la porte, ou bien l'assiette vide en disent long sur la vie de l'artiste. Mais ce n'est pas le milieu, l'ambiance que le peintre veut mettre en relief sur ses tableaux. Il ne veut pas de lyrisme, il ne cherche pas à inspirer la compassion: l'idée exprimée par les tableaux est intimement liée à la personnalité du peintre et elle a une portée bien importante. L'artiste se recueille pour consulter sa conscience: pourquoi vit-il, pourquoi travaille-t-il ? voilà le problème crucial. En feuilletant des études sociologiques sur le niveau culturel de la Hongrie de l'entre-deux-guerre, 17 nous ne trouverons qu'un cercle étonnamment étroit dans lequel l'influence des beaux-arts se faisait sentir. Il n'y a qu'une très mince couche d'intellectuels de la bourgeoisie citadine qui s'intéresse aux beaux-arts, et en outre une partie des ouvriers syndiqués ne représentant qu'un faible pourcentage de la population. Le message de Derkovits est déterminé avant tout par la position sociale des classes — et particulièrement par celle de la classe ouvrière qui ne compte pas comme public —; or, ses admirateurs et clients appartiennent à la couche bourgeoise intellectuelle qui, en général ne demandent pas que l'œuvre ait un contenu militant, et dont les exigences — en plus de l'honnêteté professionnelle — ne vont pas au-delà d'un vague idéal humanitaire bourgeois. Ce public reste insensible aux toiles de Derkovits, et il ne les achète qu'à cause de leur valeur esthétique ou simplement par curiosité. Cette situation pénible est l'une des causes de la tension morale de Derkovits. Toute sa vie, il sent que son public est peu nombreux, il mène une lutte acharnée, souvent déraisonnable en apparence, contre le marché traditionnel des œuvres d'art, et il cherche le chemin vers son vrai public. La série «1514» 18 est sa tentative la plus monumentale pour s'évader de cette position. D'autres tentatives, bien qu'elles ne soient que symboliques — s'accomplissent dans ses autoportraits. Entre 1929 et 1930, Derkovits exécute plusieurs autoportraits remarquables qui montrent une forte parenté au point de vue du stylo aussi. Gyula Derkovits (1894-1934) : La répression. Détail. 1928. Derkovits Gyula (1894-1934): Leveretés. Bészlet. 1928.
