dr. D. Fehér Zsuzsa - Kabay Éva szerk.: A Magyar Nemzeti Galéria Közleményei 2. szám (Budapest, 1960)
Lloyd et souvent mentionnée à cause de l'expression « delirium colorans » qui y figure : » Szinyei représente avec beaucoup d'esprit le retour au genre. Le peintre tout en étant une ancienne connaissance, est un nouvel exposant dans la Galerie d'Art. Il est un de nos peintres de talent qui n'eut pas besoin de se faire connaître et qui eut les moyens financiers lui permettant dans les dernières années de travailler uniquement pour lui après ses débuts pleins de promesses à l'école munichoise de Piloty. C'est de sa première période que date une composition de valeur, aux rythmes harmonieux, aux couleurs éclatantes, représentant un faune à l'ombre d'un arbre géant, attirant par le son de sa flûte une belle Dryade. Un tableau ayant pour sujet un déjeuner sur l'herbe, à la mode de la Haute Hongrie, groupant des hommes et des femmes déjeunant de bon appétit, remporta, autrefois un succès à Munich. Le courant puissant d'une atmosphère et d'un air printaniers soufflent dans ces oeuvres très personnelles aussi bien que dans l'Alouette qui marque la reprise de son travail d'artiste sous l'influence, prétend-on, de son ami Makart, son ancien compagnon de Munich. Dans une certaine mesure on pourrait lui reprocher concernant ce tableau aussi, de prodiguer d'une manière exagérée le vert et le bleu de cobalt les plus violents. En se détournant de ce délire colorant, il pourrait devenir le favori de ce public hongrois dont il n'a jamais brigué les faveurs par une conception artistique qui le satisferait lui-même. » Voilà un critique d'art s'en tenant rigoureusement aux anciennes normes de la beauté et formulant d'après elles un jugement. A Munich Szinyei se souciait peu des critiques défavorables parce que ses amis artistes reconnaissaient son talent ; mais à Pest les artistes eux-mêmes ne comprenaient rien à ses tableaux, restaient indifférents. On ne parlait pas de lui, on l'avait oublié. Un seul élève de première année à l'École de dessin de Pest conservait la profonde impression que lui avait faite le Déjeuner sur Vherbe ; il en parla plus tard à Munich et à Paris à ses compagnons. Avec cet insuccès, le rideau tombe sur le deuxième acte du drame du Déjeuner sur Vherbe. Pourtant ce n'était pas ce tableau qui était visé, mais l'Alouette. Szinyei revint avec sa famille et ses toiles à Jernye. «Hic ego sum barbarus, qui non intelligor», dit-il. Mais cette défaite avait ébranlé sa conception de l'art : il dit adieu à son imagination, élément dominant de sa jeunesse, et la palette à la main, il affronta la réalité pour devenir le poète serein et contemplatif de la nature baignant dans le soleil rayonnant. U ne peignit plus do mémoire, il abandonna les compositions figuiées pour le paysage, l'élan impétueux disparut de son oeuvre pour y faire place aux petits faits intimes. Mais ceux-ci aussi devenaient rares parce qu'après son retour il ne fit que quelques tableaux pour essayer sa nouvelle manière, puis, pendant neuf ans, il ne toucha plus à son pinceau. Entre-temps, peut-être même sans que Szinyei l'ait su, le volume 42 de la Biographisches Lexikon de Wurzbach, publié en 1881, consacra, page 193, un article assez long à notre peintre, en publiant in extenso la critique du Déjeuner dans le Zeitschrift für bildende Kunst, en 1873, complétée pour l'occasion de quelques remarques venimeuses sur cette tendance naturaliste détestable. Le séjour à Jernye que Szinyei avait accepté avec joie en tant que jeune marié, commençait à lui peser. Son père venait de mourir, le domaine familial fut partagé entre les huit héritiers, le peintre ne jouissait plus de la même aisance qu'autrefois, il devait s'occuper de la part de propriété qui lui était revenue, les soucis devenaient de plus en plus nombreux, puisque six enfants étaient nés les uns après les autres. Szinyei finit par s'apercevoir qu'il ne vivait plus à Jernye de sa propre volonté, mais qu'il y était attaché par toutes les petites obligations diverses dont il ne pouvait plus se libérer. Bien qu'il ait renoncé à la peinture et à ses ambitions d'artiste, il lui manquait le milieu artistique de Munich dont il s'était brutalement séparé, n'écrivant plus et ne répondant pas à ses anciens amis. Cette abnégation et l'ennui qui s'en suivait, provoquait en lui un mécontentement refoulé qui se traduisait de temps en temps, dans cette personne robuste, par de violents éclats de colère et de sourdes irritations. U avait une canne de peintre se terminant non pas par une surface ronde mais par une pointe aiguë. Quand quelque chose ne marchait pas comme il le voulait, il enfonçait sa canne dans la toile qu'il déchirait, Plus d'un de ses tableaux furent sauvés par la présence d'esprit de sa femme qui, au moment de ces accès de colère, s'empressait de les cacher. Pendant qu'il peignait le portrait de sa femme en robe rouge, il lui arriva de déchirer la toile et de la laisser à jamais inachevée parce que son modèle appelé ailleurs par ses devoirs de ménagère, ne se tenait pas tranquille au milieu des arbres où elle posait, Le bref séjour à Vienne ne lui apporta qu'un adoucissement passager, et l'insuccès de sa nouvelle tentative le découragea profondément. La vie clans la maison de Jernye devenait de plus en plus intenable, ce qui provoqua à la longue une crise familiale. 11 resta seul et c'est alors qu'il découvrit le secret de la solitude, le silence qui mûrit les pensées, le calme favorisant la méditation et l'amitié fidèle des livres. Presque dix ans plus tard, quand il fit sa réapparition dans la vie publique, nous découvrîmes en lui 2 Nemzeti Galéria Évkönyve 17