dr. D. Fehér Zsuzsa - Kabay Éva szerk.: A Magyar Nemzeti Galéria Közleményei 2. szám (Budapest, 1960)
muniehoise où, accroché au deuxième rang de tableaux, il ne faisait point d'effet. S/dnyei était arrivé à Vienne deux semaines après l'inauguration et ayant vu son tableau si mal placé, se fâcha et il le retira. On le lui redonna parce que la direction de l'Exposition avait reconnu que l'oeuvre méritait une meilleure place. 23 ans plus tard Telepy se souviendra de cet incident en écrivant à Szinyei : « Si ton Déjeuner sur l'herbe n'a pas eu la place qu'il méritait, c'est parce qu'il n'est pas bon de lâcher le tigre parmi les chats, il les dévorerait tous. » En retournant à son village, Szinyei s'était arrêté à Pest et il a offert en don son tableau à la Galerie des peintures du Musée National. Il était tout naturel que sans l'avoir vu, on ne voulait pas l'accepter et on pria le peintre de le présenter. Szinyei eut tort de s'en offenser, mais c'était l'incident de Vienne qui l'avait rendu très sensible. Il retourna auprès de sa fiancée, et son bonheur lui fit oublier tout, même son tableau qui traînait à Vienne, dans les dépôts de Micthke, marchand de tableaux. C'est bien plus tard qu'il le fit revenir à Jernyc pour le cacher lui-même aux yeux du monde. Nous nous demandons quel eût été le sort du Déjeuner si, au lieu de l'envoyer à Vienne, Szinyei avait eu l'idée de l'envoyer à Paris. Peut-être le sort du tableau et celui de son peintre en eussent-ils été changés bien que l'académisme y régnât aussi et que les nouvelles tendances y trouvassent peu de compréhension. Généralement c'est dans l'échec du Déjeuner sur Vherbe que l'on cherche la raison de la retraite du peintre et aussi dans sa vie solitaire à Jernye, dans une ambiance peu favorable à l'inspiration. Mais n'oublions pas l'enthousiasme des peintres munichois, la grande estime qu'ils témoignèrent à leur collègue hongrois, rappelons l'opinion flatteuse de Zumbusch et le fait que le tableau n'a été exposé que trop peu de temps pour être vu et estimé du public aussi bien que de la critique. Mais il y a encore un motif peu connu jusqu'ici et qui sans doute explique en grande partie le silence du peintre. En effet, Szinyei était un lyrique, le désir et l'ambiance éveillée par le désir, jouaient un rôle important dans son travail et dans son imagination d'artiste. Ce désir, nous le retrouvons dans les trois tableaux qui portent le titre Amoureux, dans le couple s'embrassant du Paganisme, dans la charmante union du Couple d'amoureux, dans l'heureuse intimité de la Mère et ses enfants, dans la gaieté de la Promenade à Tutzing et aussi, dans le Déjeuner sur l'herbe. Szinyei avait en lui le désir d'un amour honnête et viril, il le trouva dans son mariage. Le désir étant satisfait, le peintre vivait son bonheur, il ne le désirait plus. C'est ainsi qu'il perdit le motif le plus poétique de son art, car le lyrisme est si rare dans le mariage que seul peutêtre Petőfi pût le conserver dans sa poésie. La femme à la robe violette (fig. 24.) et les autres tableaux représentant sa femme, semblent déjà très objectifs ; il leur manque cette ardeur inconsciente et cette griserie heureuse et printanière qui l'accompagnèrent jusqu'au Déjeuner sur Vherbe. Pourtant c'était le mobile le plus puissant qui le poussait au travail. Naturellement, sa vie da famille le retenant à Jernye, le manque d'un milieu artistique et l'absence d'amis encourageants ont également contribué à lui faire abandonner le pinceau. Après neuf ans de vie retirée, ce fut un événement tragique, la mort par suite d'un croup de ses deux filles, qui le décida à (putter Jernye. Il s'enfuit avec sa famille de la maison contaminée. Us se rendirent à Vienne où Szinyei avait été invité à plusieurs reprises par Makart, son ancien compagnon à Munich et cpii ne l'avait pas oublié et tenait toujours son talent en haute estime. A cette époque Makart était adulé de toute la ville impériale, sa maison et son atelier célèbres étaient le rendez-vous de l'élite mondaine et artistique. Les Szinyei y étaient toujours bien accueillis. Dans le nouvel entourage, l'ambition artistique de Szinyei se réveilla. Il peignit l'Alouette (fig. 25.) et encouragé par son ami Makart, il fit venir de Jernye plusieurs de ses anciens tableaux, parmi eux le Déjeuner, et il les présenta au Salon de Vienne. U s'était résolu à un assaut décisif pour conquérir le succès, bien que son ami Gyula Gundelfingen, le peintre, l'eût découragé de mettre tout sur la même carte. Soutenu par Makart et ses amis, il eut pourtant à affronter les vexations du jury. A notre demande, la femme du peintre, la Dame à la robe violette, a bien voulu nous donner sur cette affaire, les précisions suivantes : « En 1882 mon mari fit venir le Déjeuner à Vienne pour l'exposer au Salon. Le jury fit preuve d'une telle malveillance que ce ne fut qu'après des démarches réitéiées que le tableau fut accepté. La critique des journaux viennois parlant de « l'impossible tableau vert » était à tel point défavorable, que mon mari voulait retirer son oeuvre quand il eut une idée bizarre pour sauver la situation. Nous sommes allés dans le Bois de Vienne chercher des briques de mousse que mon mari, avec l'aide d'un tapissier, fit poser sur un support fixé au bas du cadre de façon que le cadre en fut caché et que ce gazon artificiel continuait le tableau. L'effet en fut formidable : des groupes se formèrent pour admirer cette innovation et la critique finit par s'adoucir. » Mais le caduque d'art Ranzoni, de Neue Freie Presse, ne désarma pas. Il écrivit avoir l'espoir qu'au prochain Salon il no serait plus exposé au danger