dr. D. Fehér Zsuzsa - Pásztói Margil szerk.: A Magyar Nemzeti Galéria Közleményei 1. szám (Budapest, 1959)

a créé un art réaliste où la surface monumentale joue mi rôle important. Ainsi, en réorganisant dans un ordre nouveau à l'aide d'une synthèse grandiose, les «déments désarticulés de la culture picturale bour­geoise, il crée un art réaliste nouveau. Nous allons suivre cette évolution dans les oeuvres dont le Musée s'est enrichi au cours de ces dernières années. L'une des pièces les plus précieuses de nos acquisi­tions nouvelles, la «Nature morte au poisson» 78 , (planche en couleurs, L) peinte en mars 1928, marque le tournant décisif, le détachement des « -ismes » à la mode et le départ dans la voie d'un réalisme nouveau. Dès qu'elle fut connue, elle fit sensation et produisit une grande surprise' 9 . Nous avons vu que Derkovits, en 1927, s'était trouvé à la croisée des chemins et devait choisir entre trois possibilités : 1° Piétiner sur­place et être l'un des représentants provinciaux de la phase déjà dépassée d'une tendance d'à vaut-garde bourgeoise; 2° Suivre «l'évolution» bourgeoise dans les régions de l'irrationnel et de l'abstrait ; 3" Marcher droit au grand but, rétablir les rapports de la peinture avec la réalité et la société. Les deux premières équivalaient au parjure, à l'apostasie de ses engage­ments humains et sociaux. Nous savons (pie, de caractère intègre, il avait accepté de prendre part à la lutte politique, il était logique qu'il assumât la charge du combattant isolé dans le domaine do l'art aussi et qu'il choisît la dernière alternative. La « Nature morte au poisson » 8Ü est la mani­festation extrême de ses recherches d'exprimer la réalité avec une intensité aiguë. Ce «tableau démon­tage» est d'autant plus ahurissant qu'il semble, au premier abord, être apparenté aux dadaïs­tes et aux constructivistes. Le fait est tout autre. Les dadaïstes et leurs adaptes ont découpé la réalité intégrale en morceaux pour les rassembler après d'une manière illogique et en prétendant que l'oeuvre chaotique qui en sort ait une existence objective 81 . Par contre, Derkovits, avec l'avidité de l'homme altéré découvrant la source pure, ordonne tout en image et donne à tout et au plus haut degré, un caractère sensuel, même aux objets sur la table de cuisine, en conservant les rapports structuraux des choses de la réalité intégrale. Sur le papier à dessin appliqué tout en bas du tableau, il peint les nervures de la table ; il découpe dans de la toile à tamis la serviette de table et dans du papier, l'assiette, le papier d'emballage, le verre de yogourt et la montre ; là où c'est nécessaire il couvre avec du papier de cellophane ; il se sert de feuille d'argent pour suggérer le couteau, le métal de la montre et pour rendre sensible et augmenter l'effet métallique des écailles de poisson ; l'éclat d'or brillant du hareng fumé est rappelé par une couleur d'or en poudre 82 . Tout cela, incorporé au tableau, acquiert une valeur plastique convaincante et doit servir, avec des couleurs ingénument posées, à représenter la réalité tout entière et produire « l'effet du vérisme ». La belle composition réaliste et transposée, respectant la surface plane, assure l'unité de l'image et l'imbrication des objets rend sensible la profondeur de l'espace. Dans ce tableau, on retrouve déjà, dans une écriture crue et accentuée, toutes les qualités et tous les traits spécifiques du style qui deviendra le sien plus tard, notamment : 1° la composition saisissante et ramassée ; 2° la création de formes à la fois monumentales et réalis­tes ; 3° l'harmonie de couleurs s'adaptant à la surface plane, en rapport avec le contenu et riche même dans sa simplicité ; 4° la réalité de l'espace, la suggestion de la troisième dimension tout en res­pectant l'architecture de la toile à deux dimensions. Le fait que peu de temps après la grande découverte, Derkovits donne des oeuvres mûres, entièrement indépendantes, en utilisant les apports de ses recher­ches antérieures, témoigne de son talent exception­nel. De ces oeuvres, notre Musée a acquis deux tableaux peints en 1950, «l'Ordonnance» et le «Marchand de poissons». «L'Ordonnance» du juge 8;t (plancheon couleurs, IL) est un tableau de genre dramatique et en même temps l'expression poétique du destin tragique de Derkovits. Le peintre n'ayant pu payer son loyer, l'ordonnance du tribunal le menace d'expulsion. Près de la fenêtre, il Ii) h ordonnance, sa femme le regarde angoissée. La consternation exprimée sur leur visage est motivée par doux symboles discrètement amenés : un morceau de pain sur l'autre exemplaire de l'ordonnance, posée sur l'appui de la fenêtre et l'ombre du chat se glissant furtivement sur le mur mitoyen d'en face, pour attraper l'oiseau au bord du mur. L'ordonnance et le destin: deux forces inexorables prêtes à ravil­le pain quotidien et l'art. La composition laconique ne dit que ce qu'il faut, l'essentiel. Les trois esquisses qui avaient servi à mûrir sa pensée, permettent de suivre le thème jusqu'au moment où il va prendre corps et exprimer un con­tenu d'idées en se condensant dans la vision de l'image. Dans le premier dessin au crayon (Fig. 51.) coloré rapidement à l'aquarelle, on voit le peintre et sa femme», représentés tous les deux en pied ; l'entourage est large : à gauche, par la porte entr'ouverte, on aperçoit la cuisine» 81 . Dans la deuxième (esquisse (Fig. 52.), la composition conserve encore les deux figures entières mais l'entourage disparaît, afin de concentrer l'attention sur lc\s éléments qui reflètent directement le» sujet 8 "'. Mais l'artiste mécontent de la concentrati­on insuffisante, sur le verso du papier cherche une

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