dr. D. Fehér Zsuzsa - Pásztói Margil szerk.: A Magyar Nemzeti Galéria Közleményei 1. szám (Budapest, 1959)
Les couleurs d'argent et de vert froid rendent sensibles le silence et la froideur de l'hivernage, les cheminées des bateaux, le pont et les lignes verticales de la guérite suggèrent l'âpre monotonie de la contrée. Les trois figures du premier plan, peint es en couleurs brunes et roses relativement chaudes, la famille prolétarienne avançant dans l'hiver glacial représentent la chaleur de la vie. Dans le silence froid et calme, résonnent les bottes noires du gardien de la paix qu'on entrevoit descendant l'escalier de beis. On retrouve ici le même motif, relégué discrètement au second plan, que l'on a vu si fortement accentué dans le tableau « Pour le Pain » : le signe du pouvoir d'Etat oppresseur et omniprésent. 1934. Gyula Derkovits n'a plus que cinq mois et demi à vivre. En ce court laps de temps, il atteint le sommet de son art. L'une de ses dernières oeuvres, intitulée « Mère » (G. M. B. 1952)*° se trouve à la Galerie Nationale. Le titre dit simplement « Mère ». Il devrait dire plutôt « La Mère » pour essayer de faire sentir son intense imprégnation d'humanité et de montrer le caractère grandiose de l'oeuvre, image de la maternité. Et pourtant, il n'y a là pour l'exprimer, que la tête d'une femme prolétarienne, une grande tête, on dirait une idole, mais elle est pleine de vie ; elle est cachée à moitié par l'enfant, couleur de rose resplendissante ; elle l'enlace de sa main, coupée en bas, et serre contre elle avec quatre doigts puissants, crispés mais pleins de tendresse ; par const rate l'artiste représente les gestes tendres et familiers du petit enfant touchant légèrement le visage de sa mère. C'est un hymne magnifique de la vie et de la tendresse. L'oeuvre mérite d'être spécialement étudiée, avec les autres tableaux de la maternité, de mères et d'enfants. Un autre tableau de ces mois, où il atteint également le sommet de son art « le Forgeron de chantier naval » 41 se trouve encore, malheureusement, en collection particulière. Le thème observé à la construction navale d' Új pest, il l'a mûri dans un grand nombre de croquis et d'esquisses. Le tableau représente la solution finale à laquelle il est arrivé. Au bord de l'eau, vu de profil gauche, un ouvrier à carrure puissante s'appuie de la main gauche sur la proue du bateau remorqué et tient un outil à la main droite musclée ; au premier plan, on voit les accessoires caractéristiques de la construction et, au fond, le Danube et la rive opposée bordée d'usines. L'accent est porté sur l'ouvrier robuste, le regard perdu dans le lointain. Le style élevé et solennel de la représentation enlève à cet ouvrier tout caractère individuel accidentai pour en faire un symbole et le généraliser en somme. En lui l'artiste célèbre l'honneur du travail, base de l'existence humaine et exalte comme un héros l'ouvrier qui produit les biens de la vie. C'est du même ordre d'idées qu'est sortie sa grande toile les «Transporteurs de sable sur le Danube» 42 (N. G. II. M. B. —A(195(>) entrée dernièrement en notre collection et que nous allons étudier tout à l'heure. Nous terminerons cette revue générale des oeuvres de Derkovits par son dernier «Autoportrait» 43 (G. M. B. 1952) qui est digne à tout égard de ceux qui l'ont précédé. Il est apparenté, en particulier, à « l'Autoportrait clignant des yeux » fait en 1930, mais ici la tête tournée légèrement à gauche, et placée au milieu du tableau, est coupée au front. La tête emplit toute la toile, elle est peinte de nuances fines d'ocres éteintes. Le peintre n'accentue que les couleurs brunes qui font ressortir la tectonique de la tête et les traits qui désignent son caractère dur, en accord parfait avec l'ensemble pictural du tableau. Il ajoute encore à tout cela trois taches éteintes, la chemise rose et le fond jaune-gris. Depuis 1' « Autoportrait » de 1921, Derkovits a parcouru un long chemin difficile. Là, les grands yeux ébahis regardent le monde avec confiance et étonnement, ici les yeux contractés le dévisagent, soupçonneux. Là, le peintre opère par contraste, la tête formée de reflets apparaît éclatante sur le fond sombre ; ici, il ne cherche plus la pointe et se contente de quelques couleurs étouffées et équivalentes pour peindre son portrait. Les yeux ternes du visage grave, solennel et fermé, contemplent le monde comme s'ils le regardaient de derrière le casque d'une armure. On voit que la vie remplie de luttes a éprouvé mais n'a pu briser cet homme de caractère combattit, elle l'a rendu au contraire plus ferme. Le visage reflète un homme exceptionnel d'une intellect ualité pénétrante, dont le regard désarme la résistance. Nous avons essayé de caractériser en quelques mots les oeuvres de Derkovits se trouvant à la Galerie Nationale, en les replaçant dans la vie et l'évolution de l'artiste. Voyons maintenant à quelles dates et dans quelles circonstances ont-elles été acquises par notre Musée. Comme nous l'avons fait toujours jusqu'ici, nous ne nous contenterons pas de relever les données pour elles-mêmes, mais nous en tirerons les conclusions qui s'imposent par rapport à la politique culturelle d'hier et d'aujourd'hui. Nous voulons indiquer les préjudices considérables qui ont été faits au grand artiste prolétarien et révolutionnaire et montrer combien ses oeuvres étaient désavantagées sous le régime capitaliste. Faisons d'abord une petite statistique. Les renseignements dont nous disposons, nous permettent d'estimer que ses tableaux sont au nombre de 150 à