Weiner Mihályné szerk.: Az Iparművészeti Múzeum Évkönyvei 6. (Budapest, 1963)
IPARMŰVÉSZETI MÚZEUM - MUSÉE DES ARTS DÉCORATIFS - Szabolcsi, Hedvig: Un lit en bateau de Jacob-Desmalter
Fig. 1. Lit de l'atelier de Jacob-Desmalter (entre 1802 et 1806) sorte les dessous de cette dénomination, sonnant à la fin du siècle déjà un peu ridicule. La conception du lit comme un bateau ou une barque est sans aucun doute symbolique. Outre le motif du bercement sur l'eau et de l'action d'endormir en berçant — notions dont les rapports sexuels sont évidents — elle indique qu'on traversait la vie, en navigant d'une part vers l'Ile du Bonheur et d'autre part vers la mort. Ce motif se rencontre aussi dans l'imagination des Grecs, et son évocation à la fin du XVIII e siècle, époque qui choisit pour modèle l'antiquité, semble presque logique. Ce motif trouve son expression littéraire dans le fragment de Mimnermos, chantant le Soleil. 8 On peut, en rapport avec le lit orné de cygnes, continuer à suivre les traces de ces corrélations. Le motif même du cygne est présent déjà dans l'art antique sous plusieurs aspects. Eros est représenté chevauchant un cygne, et l'oiseau-Soleil est, en rapport avec Apollon, lui aussi un cygne. Ce motif de l'oiseau-Soleil sera emprunté aux Grecs, à travers de corrélations compliquées, par la symbolique de l'Europe Centrale et de l'Europe du Nord. Le cygne comme motif erotique ressuscite dans l'art de la Renaissance, entre autres dans les représentations de Léda avec le cygne, et c'est encore le cygne qui tire la barque sur laquelle on navigue à l'île de Cythère, l'Ile du Bonheur. C'est là, à l'arrivée à l'Ile du Bonheur, que se rencontre le motif du cygne, avec la barque de l'antiquité et du moyen âge, qui en tant qu'une large et ample nacelle conduit, même dans le mythe insulaire celtique également à l'Ile du Bonheur. 9 Sur les lits confectionnés par les frères Jacob, exécutés pour Juliette Récamier, la célèbre beauté très fêtée de l'époque, le cygne est l'expression consciente de l'hommage à la beauté, qui lui, avec ses ailes déployées, berce en rêve celui qui voyage dans la barque (dans le lit).