Mitteilungen des Österreichischen Staatsarchivs 25. (1972) - Festschrift für Hanns Leo Mikoletzky

TAPIÉ, Victor-L.: Le Ciel accaparé. Note sur la dévotion mariale dans les perspectives politiques du XVIIe siecle

582 Victor-L. Tapié tion chez le prince qui s’y déterminait et ce furent, en général, des prin­ces vraiment pieux qui l’accomplirent. Mais il avait aussi des répercus- sions sur l’opinion publique tout entiére dönt il sollicitait le consentement. Car par la décision du souverain, un royaume et son peuple se trouvaient engagés dans une soumission plus étroite á la Vierge ou au saint protecteur. Ce n’était d’ailleurs que le couronnement d’une série de priéres publiques, de fondations pieuses (érection de statues, entretien perpétuel de lampes d’autels) que le gouvernement recommandait ou instituait dés que la guerre était en vue ou le péril menagant. Ainsi, en mai 1636, tandis que les ennemis envahissaient le royaume de France aux frontiéres trop accessibles et mai défendues, Richelieu recommande des priéres dans tous les couvents de Paris et il observe avec satisfaction que „les dévotions qui se font maintenant á Notre-Dame de Paris sont trés grandes. A son avis un redoublement de dévotion envers la mére de Dieu ne peut produire que de trés bons effets“. Est-ce la prudence du politique ou la fői du prétre qui parle ici? La vérité est plutőt que, dans l’esprit du temps, le Cardinal tient la ferveur commune pour un élément salutaire de cohésion nationale; mais il erőit sincérement á l’efficacité de la priére. Dans les mémes jours, il éerit á Louis XIII lui mérne: „Je croy assurément que plus V. M. s’attachera ä Dieu, plus ses affaires prospéreront-elles“ 1). On commetrait une erreur de naiveté en interprétant par le machia- vélisme ou la supercherie ce qui refléte au contraire une conviction pro- fonde de servir une cause juste et l’espoir de mettre le Ciel de son cőté par des mérites et des supplications. Illusion aussi d’un certain orgueil? Peut-étre. Plus précisément, une méconnaissance fondamentale des bonnes intentions possibles chez l’adversaire, car, dans les mémes jours, par un processus identique, les autres princes chrétiens recourent aux mémes intercessions et accomplissent des démarches analogues. Le Ciel est done sollicité des deux cőtés et en quelque sorte, aecaparé. En décembre 1637, Louis XIII signe la célébre déclaration qui sera publiée en 1638: „Prenant la trés Sainte et glorieuse Vierge pour protectrice spéciale de notre royaume, nous lui consacrons partiuliérement notre personne, notre Etat, notre couronne et nos sujets, la suppliant de vouloir nous inspirer une si saincte conduite et défendre avec tant de soin notre royaume contre l’effort de tous ses ennemis ..* 2). Cet acte qui fait institutionnellement de la Vierge la protectrice spéciale du royaume est accompagné d’un voeu et d’une reeommanda- tion: le Roi promet de reconstruire le grand autel de Notre-Dame et d’y 1) Lettres, instructions diplomatiques et papiers d’Etat du Cardinal de Richelieu, publ. par M. Avenel 5 (Paris 1863) 471. 2) Avenel Lettres 5, 910.

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