Scientia et virtus. Un commentaire anonyme de la Consolation de Boece. Introduit et publié par Sándor Durzsa (A MTAK közleményei 5. Budapest, 1978)

18 que, en sont en tous cas arrivés à ce grand résultat qu'ils ont pu différencier la morale rationnelle des thèses de la morale révélée en distinguant les scien­ces humaines des sciences divines. Ils en sont arrivés à reconnaître aussi une vérité fondamentale: alors que la base des connaissances divines est le verbe incarné, c'est-à-dire la révélation, celle des connaissances rationnelles est l'examen de la nature. La révélation est transmise par les copistes dirigés par l'inspiration divine des livres de l'Ecriture Sainte, tandis que les autres connaissances ont été transmises par les philosophes antiques. Les écrivains du XII siècle s'en réfèrent tous, avec plus ou moins d'approbation ou de réserves, à ces sources antiques. Selon Hugues de Saint Victor, les Grecs nous ont légué des résultats tellement importants de leurs recherches sur les secrets de la nature qu'ils sont de toute manière dignes d'être pris en consi­dération. Il se prononce avec réserve sur leur éthique: ils n'y ont représenté que quelques membres des vertus, qu'ils ont découpés du corps de la perfec­tion; l'homme ne peut être rendu ressemblant à Dieu que grâce à l'action de 1' Ecriture Sainte inspirée paï le Saint Esprit. Le lecteur du XII siècle pouvait trouver des textes d'ordre éthique dans le Didascalicon de Hugues de Saint-Victor, dans le Liber excerptionum de Richard de Saint-Victor ainsi que dans les oeuvres int. Fons philosophiae et Microcosmus de Geoffroy. Selon leur conception, l'éthique est une des arts, donc une branche autonome de la connaissance qui fut créée par les philosophes païens; certes, ils l'ont élaborée d'une manière défectueuse, mais leur enseignement peut être quand même utile pour les chrétiens. Pour quelle raison l'éthique fut-elle incorporée aux arts? L'homme abandonné à lui-même souffre de trois maux: de l'ignorance, du vice et de la maladie. Contre l'ignorance il peut lutter par l'étude, contre le vice, par la recherche de la vertu et quant aux faiblesses de son corps, les arts d'ordre matériels peuvent y remédier. Hugues de Saint-Victor pense que le créateur de l'éthique est Socrate qui — selon lui — a écrit des livres sur ce sujet. A cette époque, il était d'ailleurs générale­ment admis que Socrate est l'auteur de différentes oeuvres. Parmi les sources antiques, Hugues mentionne encore Platon et Cicéron, et Geoffroy ajoute encore Sénèque à ces auteurs. Pierre Abélard va encore plus loin dans l'appréciation des sources antiques de l'éthique. Selon lui, la philosophie de la morale est la plus noble des disciplines enseignées par les anciens; c'est à eux que les saints enseignants ont emprunté la description des vertus. La philosophie morale est le sommet de la science, les autres "artes" doivent le servir avec fidélité. C'est également parmi les "artes" que Guillaume de Conches a classé l'éthique comme philosophie pratique dont l'homme se sert comme de remède contre l'ignorance. Remarquons qu'il emprunte son développement sur les vertus au De inventione de Cicéron. Jean de Salisbury cite, dans tous ses ouvrages, les moralistes anciens qu'il mentionne sous la dénomination d' 'ethici'. Le mot 'ethicus' est synonyme, chez lui, d'auteur païen, et il désigne tantôt Horace, tantôt Séneque, tantôt Perse. Nous pouvons donc dire, en résumé, qu'une des caractéristiques culturelles du XII siècle est la redécouverte de l'éthique antique qui se lie, de façon intéressante, à l'essor

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