Scientia et virtus. Un commentaire anonyme de la Consolation de Boece. Introduit et publié par Sándor Durzsa (A MTAK közleményei 5. Budapest, 1978)
11 Bien que les commentaires et les biographies ne l'attestent par aucune donnée, la tradition vivante du moyen âge voulait que Boèce soit mort comme un martyr catholique de la lutte contre les ariens. Dès dans le prologue de la traduction de la Consolation par le roi Alfred, on peut lire une allusion indirecte sur le martyre de Boèce au cours de la persécution des chrétiens par Théodoric. La recherche moderne a examiné ce problème en dévoilant les sources de la tradition médiévale et a abouti à la conclusion qu'elle est en majeure partie une légende sans fondement historique. (20) Nous pouvons dire la même chose à propos de cette assertion de notre commentaire selon laquelle d'éminents philosophes ont ardemment persécuté l'arianisme à Rome à l'époque de Théodoric. Boèce lui-même mentionne bien l'arianisme dans ses Opuscula sacra, mais point avec l'accent agressif d'un débat violent. La tradition du martyre de Boèce devait être, en tous cas, très vivace, on en trouve des traces même encore au XII siècle. Pierre Abélard par exemple écrit ce qui suit sur Boèce: "Constat hune egregium senatorem Romanum... in illa persecutione Christianorum qua in Joannem papam ceterosque Christianos Theodoricus saeviit una cum predicto Symmacho occubuisse."(21) Notre auteur semble tenir à insister sur l'anti-arianisme de Boèce, car il revient à deux reprises dans le texte du commentaire sur le problème de l'hérésie arienne. Dans la phrase I p 3,5 de la Consolation, il interprète, sans aucun fondement logique, l'expression "meam criminationem" en déclarant qu'il s'agit là d'une thèse mensongère des ariens, selon laquelle le Père seul est dieu, le Fils est seulement créature et le Saint Esprit, la créature de la créature. Il est évident que le texte original n'a rien à faire avec cette assertion. Encore plus frappante est, dans la suite, la manière dont il modifie, selon son goût, les constatations de Boèce dans lesquelles l'auteur récapitule les accusations portées contre lui. On l'accusait notamment d'avoir empêché un dénonciateur de porter une accusation contre le sénat à titre le lèse-majesté. Notre commentaire écrit à ce propos qu'à l'époque de l'hérésie arienne, les sénateurs catholiques se plaignaient souvent de ce que l'empereur — dont le père était catholique et le défenseur de la foi, — fut précipité dans l'hérésie par la malice des ariens. Les courtisans de Théodoric ont déformé les paroles bienveillantes des sénateurs en calomnie et les ont rapportées au roi. Le roi a envoyé une lettre à l'empereur, dans laquelle il accusait le sénat de lèse-majesté. Boèce a pris cette lettre à l'ambassadeur. Sur ces entrefaites, le roi écrivit une lettre au sénat au nom de Boèce avec le contenu suivant: "l'hérésie de l'empereur ruine 1' Eglise. Pour cette raison, il conseille au sénat d'élir, en commun avec le clergé et le peuple romains, un nouvel empereur, à savoir catholique." C'est cette lettre que Théodoric envoya à l'empereur. Celui-ci répondit ce qui suit à la lettre du roi: nous avons décidé que Boèce soit proscrit et exilé pour lèse-majesté. (22) Tout ce que notre auteur inconnu expose à ce propos, est une fiction naïve, dépourvue de tout fondement historique. Cette information est toutefois importante, car elle rattache la composition du commentaire à une date à laquelle le problème de l'arianisme fut mis de nouveau à l'ordre du jour sous quelque forme. A ce