Sáfrán, Györgyi: Lettres de Romain Rolland a Marianne Czeke dans la Bibliotheque de l'Académie des Sciences de Hongrie (A MTAK kiadványai 48. Budapest, 1966)
12 également ses oeuvres et ses figures de femme, que ce sóit ce drame de jeunesse Orsino, ou Grazia de Jean-Christophe. Tous les critiques sont d'accord pour affirmer que les figures de femme évoluant dans les romans de Romáin Rolland sont plus vivantes, plus nuancées que ses personnages masculins. II n'y á lá rien d'étonnaint: c'est parmi elles qu'il vécut sa vie de tous les jours, leur sort, leurs personnalités sont méleés á sa vie dont elles sont comme la trame lumineuse. II est extrémement intéressant á ce point de vue de noter le silence qui entoure la profonde influence que sa premiere femme, Clotilde Bréal, exerga sur Romáin Rolland. Leur mariage avait duré dix ans et avait abouti áu divorce. C'est á cette expérience que l'écrivain fait allusion dans la lettre á Henriette Szirmay-Pulszky: „Je connais quelqu'un qui tient, depuis sa jeunesse, un journal intimé, oü il note tous ceux qu'il a vus et tout ce dont il s'occupe. Mais vous n'y trouvez pas, justement, une trace de la personne qui lui a tenu le plus au coeur, et dont l'image a rempli tant d'heures de sa vie. 1 4 Le souvenir de sa femme l'accompagne sa vie durant et se retrouve dans plus d'un trait de caractére et de nombreuses péripéties du sort de ses héroiines. Ce n'est rien moins qu'un hasard que Romáin Rolland ait consacré un roman-fleuve á part, á la figure de la femme décidée á rompre avec toutes les conventions sociales. Annette de L'Ame enchantée engage la lutte pour une existence indépendante et finit par trouver son propre chemin et son style de vie á elle. On ne comprendra que trop aisément que Rolland ait précisément choisi cette figure de femme pour retracer avec elle l'histoire de sa propre évolution celle d'un étre qui parti de l'individualisme trouve le chemin de la communion avec les hommes pour représenter l'image de „l'homme morál actif". Comme il l'a dit á plusieurs reprises, il peint ses personnages — et en eux son propre monde intérieur — en plein développement, en cours de transformation. La principale caractéristique de l'áme, et en particulier de l'áme féminine, est á ses yeux le changement, l'évolution. Dans son livre consacré á Goethe et Beethoven il écrit á propos de la jeune Bettina dont il a retracé la figure avec beaucoup de compréhension et de sens psychologique: „Nul ne reste le mérne au cours de toute une vie, et moins qu'une autre, une femme toute livrée á son coeur tendre et fou, comme Bettina." 1 5 Cette vérité une fois reconnue, il ne cessera d'y revenir dans ses recherches. Voilá se qu'il écrit dans une de ses lettres á propos de Thérése Brunszvik: „Aucun homme, aucune femme, ne dóit étre jugé en bloc, dans l'ensemble de sa vie, — surtout en ce qui concerne sa vie sentimentale: car 1 4 Romáin Rolland á Mme Henriette Szirmay née Pulszky, — nr. 4. — le 8 novembre 1927. — Département des manuscrits de la Bibliotheque Nationale Széchényi. 1 5 Romáin Rolland, Goethe és Beethoven (Romáin Rolland, Goethe et Beethoven). Trad. par Marcel Benedek. Budapest, 1931.