Gopcsa Katalin (szerk.): Egry (Budapest, 2005)

maîtrise picturale, mais laisse voir, en même temps, la force morale et la vision de l'artiste. Le Voyageur avec son âne, Dans les montagnes de Taormina (planche n° 38) est l'un de ses tableaux plein de cette lumière dorée d'Italie - « celui qui porte le soleil sur la tête est une sorte de nouvel Apollon paysan ; derrière lui les montagnes et les arbres se désintègrent puis se reconstruisent dans la lumière » - pourrait être le frère de l'homme se baladant avec son âne et sifflant sur les douces collines du mont Badacsony (planche n° 48). C'est non seulement dans le domaine de la représentation du paysage et de l'homme que nous pouvons observer cette parenté, cette unité entre les œuvres du Balaton et les créa­tions exécutées en Italie de Egry, mais dans toute son œuvre : nous devons être d'accord avec Máriusz Rabinovszky qui écrivit en 1934 : « Le voyage de Egry en Italie (en 1930) n'était pas un tournant dans son art. Et il ne pouvait pas l'être, puisque chez lui la vraie motivation n'est que mobile et non pas de contenu. » Dans la littérature traitant de l'art de Egry c'est Júlia Szabó qui évoque Bartók comme un cas analogue à propos du Ba­laton, motif principal de Egry ; en effet, le lac devint un asile pour le peintre, l'inspirateur de son art, la source pure « du jeune homme se transformant en cerf». Les révélations de Egry, qui ont une valeur de confession, nous aident à comprendre l'artiste en rapport avec ses autres peintures. « C'est l'espace et l'infini qui m'intéressent. Prenons par exemple une figure de femme. Elle crie à un endroit. C'est son cri se perdant dans l'infini qui m'intéresse. Tout le monde peint la lumière d'une manière floue, vaporeuse. Mais moi, c'est la lumière même qui me préoccupe. L'atmosphère qui est architectonique. Chez moi la vapeur prend forme, tout comme la figure, et elle remplit l'espace. » Dans certains cas, la figure remplissant l'espace est une femme au point de rencontre de la terre et de l'eau, autour de qui tous les détails perdent leur réalité objectuelle; et elle se transforme sous le signe de sa relation par rapport à l'infini. Le cri de la figure de femme symbolise l'établisse­ment des relations de l'homme avec l'univers (planche n° 54). Dans les paysages du Balaton de Egry, le paysage en ques­tion, la vision, est un fait concret et vrai qui sert de point de départ. Les facteurs déterminant dans ses œuvres sont l'atmosphère spéciale du Balaton, l'air, la vapeur, le reflet de l'eau et le contre-jour qui inspire le peintre. L'effet de « contre­jour » qui fut un facteur déterminant dans l'histoire de la photographie, l'est dans beaucoup de créations de Egry. Pourtant, il se transforme dès que le peintre perçoit et veut représenter le phénomène entier. Les faisceaux de lumière, les colonnes de lumière, les rayons de lumière qui se traver­sent créent une atmosphère lyrique et, de cette manière, ils deviennent des éléments de structure déterminants des tableaux. Les différents plans de l'espace se superposent les uns sur les autres d'une façon toujours plus complexe. Ils se cristallisent. Les plans qui se rattachent dans un ordre peu strict constituent les éléments essentiels et condensés des paysages en question. Les courbes des lignes des rivages, la rive d'en face et les montagnes bordant l'eau et les chemins ­qui jouent d'ailleurs un rôle important chez Egry - qui tour­nent à droite et qui sont souvent parallèles avec le plan hori­zontal du tableau, déterminent la structure de l'œuvre. Con­sidérant l'œuvre entière de Egry, les principes habituels de l'iconographie semblent perdre leur validité. Il se peut que sur le tableau, le chemin en pente aille du côté droit vers la gauche, en diagonal. Pourtant, le motif principal, le per­sonnage principal du tableau est la figure : c'est le peintre qui marche dans le paysage, avec un tas de papier sous son bras (Peintre au soleil, vers 1930, planche n° 44) et l'accent est encore mis sur le phénomène qui apparaît dans la plupart de ses œuvres du Balaton où le paysage et la figure sont repré­sentés ensemble : l'harmonie, l'unité fait voir l'individu, mais en même temps, elle lie la figure au paysage, elle l'iden­tifie avec lui, elle le représente dans une unité parfaite. Cet espace, une sorte d'espace sacral, ce lac, en tant qu'environnement personnifiant les cérémonies solennelles d'une façon visionnaire, sont aussi les scènes des représen­tations du sujet biblique de Egry. Saint-Jean Baptiste (planche n° 37) baptisent avec de l'eau, et c'est ici que Christophe, entouré d'une colonne de lumière et courbé sous le fardeau de la pauvreté, de la vie et de l'univers, porte l'Enfant Jésus dans son cou (planche n° 26). C'est encore de la région du Balaton que proviennent les paysans labourant leur terre, les pêcheurs gagnant leur pain grâce à l'eau, les bergers qui con­duisent leurs animaux au lac pour qu'ils se rafraîchissent. C'est de cette terre et de cette eau que proviennent les fi­gures homogènes formées avec des rouges de Sienne et des bruns, comme le peintre qui apparaît avec son chapeau de soleil (planche n° 32). Les autoportraits de Egry, exécutés dans les années 20 à 30, montrent l'homme qui ne fait plus qu'un avec le paysage. Ces « scènes visuelles de journal in­time » suivirent le processus de développement, de matu­ration du jeune homme qui se trouva enfin. Les premières rides, après l'enfance, se multiplièrent sur le visage du peintre. La situation sans issue, le désespoir, la solitude et la désolation aboutirent à des autoportraits feints tels que le Bonisseur de 1929 (planche n° 34). Lorsque le peintre, dans le 4cS

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