Szilágyi András (szerk.): Ars Decorativa 17. (Budapest, 1998)
Lőrinc VAJDA: Une tapisserie française du XVIe siecle. Le personnage du roi Salomon de l'Ancien Testament en tant que „modele" d'un cryptoportrait d'Antoine de Bourbon, roi de Navarre
texte; c'est probablement par manque de place que le maître de la tapisserie (du carton) recourut à ce changement. Le raccourcissement de la première phrase (l'omission de l'expression en chaussures à la fin de la phrase) est probablement motivé par la même raison. En ce qui concerne les questions orthographiques ou orthologiques, nous avons déjà mentionné plus haut la forme dialectale du mot prinche et, à son propos, l'utilisation de la forme génitive quelque peu archaïque du cas régime, également désuète à cette époque dans les formes soignées de la langue française. Il existe cependant des erreurs linguistiques beaucoup plus prosaïques au sujet desquelles il est à remarquer que le français du XVI e ne comportait pas encore de normes orthographiques qui règlent de façon uniforme les différences parfois importantes existant entre la prononciation et l'orthographe des mots. Ainsi, l'orthographe de conhien (à la place de combien) peut être considérée comme pratiquement normale; celle de son (à la place de sont ) ainsi que celle de beau (sans le x marquant le pluriel) présentent des déviances plus graves. La forme surs qui se trouve vers la fin du texte comporte un s final totalement inexplicable, tandis que la toisième personne du singulier du verbe être présente un échange de lettre tout à fait étonnant (ets au lieu de est). L'existence de ces erreurs fait paraître d'autant plus étranges et superflus les efforts de fidélité formelle de l'artiste. D'une part, l'interruption de la banderole en son milieu (après le mot pas) relève le caractère de dialogue du texte: la césure qu'elle forme sépare visiblement les mots du fiancé de ceux de la fiancée. Par contre, il est difficile d'expliquer l'occurrence, en pleine phrase, de majuscules dont la présence - dans le cas de Conbien et de Et - ne s'explique ni par un début de phrase, ni par un nom propre. Il est cependant intéressant de noter que ces majuscules suivent exactement l'articulation du texte marquée chez Olivétan par une barre oblique (/) (voir ci-dessus), qui correspond probablement à l'articulation du texte en hébreu. La présence de ces erreurs, de ces formes incorrectes, en contraste flagrant avec la fidélité formelle sur le plan de l'articulation qui laisse supposer l'existence d'une source écrite digne de confiance lors de l'exécution du carton de la tapisserie, est pour le moins bizarre. La lecture du texte de la banderole et l'identification de sa source exacte permet de conclure que les deux personnages principaux représentés sur la tapisserie sont, du moins au premier degré d'interprétation. Salomon et la Sulamite, le fiancé et la fiancée du Cantique des cantiques. On ne peut cependant en aucun cas prétendre que leur représentation soit de caractère traditionnel même si la composition n'est pas indépendante de quelques illustrations bibliques de la première moitié du XVI e siècle. Parmi celles-ci, nous nous contenterons de faire une brève référence à deux gravures sur bois qui datent de l'année 1535. et de 1547. La première, inventée et sculptée par H. Sebald Beham, est la planche N° 61. de la série intitulée «Biblische Historien ...» et éditée à Francfort-sur-le-Main, la seconde se trouve dans le volume rédigé et illustré par Hans Holbein le jeune, pani à Lyon sous le titre Icônes Historiarum Vet er is Testamenti^ Ensuite nous voulons attirer l'attention sur le choix du lieu, le jardin à la végétation luxuriante qui. même s'il n'est pas vraiment clos, ressemble à certaines illustrations bibliques par la vue perspectivique se perdant à l'horizon qu'il offre au spectateur; la section de clôture qui se trouve au milieu du champ central de la tapisserie semble équilibrer l'ouverture de la scène et permet de rétablir le caractère de hortus conclusus du décor. Le personnage du roi ne diffère également pas particulièrement du mode de représentation habituel, contrairement à la figure féminine qui se tient à ses côtés, bouquet de fleurs et