Imre Jakabffy (szerk.): Ars Decorativa 2. (Budapest, 1974)
VERLET, Pierre: Alambic, cassolette ou brule-parfum
L'objet vendu récemment à Paris apporte, en outre, de sérieux éléments de date : sur la terrasse de bronze doré, le poinçon du ,,C" couronné qui, comme chacun le sait aujourd'hui, a été apposé sur le cuivre entre 1745 et 1749 1-; sur la cassolette ellemême, des poinçons de charge et décharge pour Paris entre 1744 et 1750, avec la lettre E, poinçon de maison-commune pour 1745—1746, et un poinçon de maître que Nocq a attribué à Daniel-Jean Joubert. 1:! Ainsi ce groupe vient-il renforcer les hypothèses et éclairer les textes dont on a pu entourer plus haut celui de Budapest. L'un et l'autre ont-ils été produits par le même mercier? Je n'oserais le dire, mais c'est probable. Ils témoignent en tout cas d'un même esprit, d'une même époque, d'un même usage, d'un même goût; beau travail, fantaisie, luxe, vitalité se combinent harmonieusement pour engendrer une oeuvre délicate, surprenante. Le Walters Art Gallery de Baltimore, d'autre part, possède une ,,porcelaine montée" de même famille (fig. 4.). Une note rapide et un souvenir lointain me sont revenus en mémoire: un chapeau de bronze sur la tête d'un magot de porcelaine; le poinçon du C couronné sur des bronzes dorés de beau caractère rocaille, accompagnés de fleurs de Vincennes. Une photographie et des précisions, obligeamment adressées par Mr. William R. Johnston, 14 laissent supposer que la partie gauche de cet objet a pu être remaniée. On trouve actuellement à cet endroit une coupe de porcelaine ornée de fleurs, surélevée sur l'angle de la terrasse: addition vraisemblable; le bronze est ici d'une couleur et d'un travail différents et ne porte pas, comme les autres parties, le poinçon du C couronné. Il est permis d'avancer l'hypothèse que nous avons là encore, à l'origine, une cassolette, dont le réchaud et la ,,cucurbite" d'argent auraient été remplacés par l'arrangement actuel; le style, la date fournie par le poinçon présentent un lien étroit avec les deux objets que l'on vient d'étudier. Puis-je, à la fin de cette notice, ajouter une dernière remarque, qui intéresse la langue française et la terminologie autant que l'histoire de l'art? J'ai inscrit dans le titre et écrit une fois dans le texte, par commodité, le mot brûle-parfum. Mot étranger au XVIII e siècle; mot qui semble avoir été forgé lors du regain d'engouement pour l'Extrême-Orient qui marqua la second moitié du XIX e siècle. Robert 15 le signale non sans raison avec la mention ..XIX e s." et le donne comme synonyme de cassolette. Littré, 16 qui l'avait d'abord ignoré, l'introduisit dans son supplément et cite trois exemples, tous trois datés de 1875—1876 et ayant trait à l'art chinois. Entre les trois mots, alambic, cassolette, brûle-parfum, lequel choisir pour désigner la rare et belle pièce qui appartient au Musée des Arts Décoratifs de Budapest? Le premier de ces termes s'est fixé sur la chimie et particulièrement sur la distillation de l'alcool, ne désignant plus la seule evaporation opérée à l'aide d'une cucurbite sans récipient pour un liquide. Il s'est confondu pourtant pendant quelques années, précisément celles qui correspondent à l'époque que nous croyons pouvoir assigner au groupe de Budapest et à celui qui vient d'être vendu à Paris, avec la cassolette; cette dernière expression 17 est conforme à l'esprit et à l'usage du XVIII e siècle et concorde étroitement, si l'on veut bien accepter ma démonstration, avec les ouvrages reproduits ici; c'est le mot que j'adopterais 112