Folia Canonica 11. (2008)

STUDIES - Emmanuel Tawil: Eglise catholique, Saint-Siege et Etat de la Cité du Vatican: une, deux ou trois personnes juridiques de droit international?

126 EMMANUEL TAWIL du droit international, une personne juridique. Cela signifie que « la commu­nauté internationale reconnaît le Saint-Siège comme un de ses membres de ‘plein droit’ »6. La personnalité juridique du Saint-Siège est généralement ad­mise par les internationalistes contemporains7 (I). Cette question est distincte de celle de la reconnaissance de la personnalité internationale de l’Etat de la Cité du Vatican (II) et de l’Eglise catholique (III). I. Le Saint-Siège Avant la disparition des Etats pontificaux en 1870 « la personnalité inter­nationale du Saint-Siège était [...] un fait indiscuté ; l’on ne s’était guère demandé quel en était le fondement réel »8. Le Pape était en effet tout à la fois chef spirituel et chef temporel, monarque exerçant son autorité sur les Etats pontificaux issus de l’intervention de Pépin le Bref en Italie au huitième siècle. Ce n’est qu’après la disparition des Etats pontificaux, en 1870, que le fonde­ment de la personnalité internationale du Saint-Siège est apparu clairement. Comme le note Joël-Benoît d’Onorio, « la perte de son pouvoir temporel allait révéler au grand jour l’existence de son autorité spirituelle »9. La question de la personnalité juridique du Saint-Siège a été très discutée. Il est possible de dis­tinguer quelques grandes approches doctrinales. Une première école regroupe les auteurs refusant de reconnaître la person­nalité internationale d’une personne non étatique. Pour ces auteurs, avec la perte des Etats pontificaux en 1870, le Saint-Siège avait perdu toute personnal­ité internationale. Le Souverain Pontife était devenu un simple sujet du roy­aume d’Italie10 11. Après les Accords du Latran, ces auteurs se divisent en deux catégories. Pour les uns, la création de l’Etat de la Cité du Vatican avec les Accords du Latran a fourni un support territorial suffisant". Pour les autres, la 6 G. Cheli, La place et le rôle du Saint-Siège dans les organisations internationales, in Le Saint-Siège dans les relations internationales J.-B. d’Onorio (dir.), Paris 1988, 90. 7 Voir J.-Y. Rouxel, Le Saint-Siège sur la scène internationale, Th., Droit, Université Rennes I, 1994, 37. 8 H. Wagnon, Concordats et droit international, Gembloux 1935, 45. Voir également J.-B. d’Onorio, Le Saint-Siège et le droit international, in Le Saint-Siège, cit., 13 ; G.-M. Cherchi, Per­sonnalité juridique internationale de l’Eglise catholique, Th., Droit canonique, Institut de Droit canoni­que — Université de Strasbourg 1964, 2—3. 5 d’Onorio, cit., 13. 10 Voir E. Brusa, La juridiction du Vatican, in Revue de droit international et de législation comparée, 1893, 114 et s. 11 On peut citer Donato Donati parmi les partisans d’une telle identification. Pour cet auteur, « le Saint-Siège en tant qu’organe suprême de l’Eglise catholique n’a pas en soi la personnalité in­ternationale car cette qualité comporte la notion de souveraineté » (D. Donati , La Città dei Vati­cano nella teória generale dello Stato, Padova 1930, 68). Il affirme que «la Cité du Vatican a une per­sonnalité internationale et par elle le Saint-Siège qui identifie en lui la personne du nouvel Etat» (ibid., 70). C’est-à-dire que, pour cet auteur, le Saint-Siège n’avait aucune personnalité internatio­nale entre 1870 et 1929.

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