Folia Canonica 5. (2002)

STUDIES - Dominique Le Tourneau: Le caractere personnel et territorial de la potestas des Patriarches Orientaux

92 DOMINIQUE LE TOURNEAU relevé in limine, les exigences pastorales suscitées par la grande mobilité hu­maine propre à l’époque contemporaine ont déjà conduit l’autorité ecclésias­tique à créer des circonscriptions ecclésiastiques personnelles, aux contours plus souples que les circonscriptions territoriales. Il en résulte, de fait, que plusieurs juridictions sont exercées non seulement sur le même territoire mais à l’égard des mêmes fidèles, soit de façon concurrente avec la juridiction territoriale, dans le cas de la juridiction cumulative, soit pour des domaines qui ne relèvent pas de la juridiction territoriale, dans le cas de la juridiction juxtaposée. Le cas extrême serait celui d’un fidèle de rite oriental, résidant dans un territoire de rite latin, ap­partenant à une prélature personnelle et effectuant son service militaire ou tra­vaillant dans l’armée. Ce fidèle se trouverait ainsi soumis à la juridiction territo­riale de l’ordinaire du lieu, à la juridiction territoriale ou personnelle prévue par le canon 916 du CCEO, à la juridiction personnelle de la prélature personnelle juxtaposée ou cumulative avec celle de l’ordinaire du lieu, et à la juridiction per­sonnelle de l’ordinariat aux armées cumulative avec celle de l’ordinaire du lieu. Cela peut sembler compliqué à première vue. Cependant, les gardes-fous ont été établis par le droit canonique pour éviter les heurts et résoudre les conflits éventuels. De plus, l’Église se montre soucieuse de respecter les droits fonda­mentaux de ses fidèles, entre autres, le droit fondamental à «n’être soumis à au­cune contrainte dans le choix d’un état de vie»,27 le droit fondamental à «suivre leur forme propre de vie spirituelle qui soit toutefois conforme à la doctrine de l’Église»,28 le droit-devoir fondamental à l’apostolat personnel,29 en même temps qu’elle s’est assignée la salus animarum comme loi suprême (c. 1752 du CIC). Cette même salus animarum devrait conduire le législateur à faire preuve «d’audace» en actualisant davantage encore les possibilités fournies par le concile Vatican II, qui a fait preuve d’imagination et ouvert ratione apostolatus des horizons pastoraux nouveaux pro diversis cœtibus socialibus, quœ in aliqua regione, vel natione aut in quamcumque terrarum orbis parte perficienda sunt.30 L’évolution ne se fait sentir que lentement dans l’Église latine, qui a parfois en­core recours à des fictions juridiques, comme dans le cas de la Mission de 27 C. 219 CIC et c. 22 CCEO. Sur les droits et les devoirs fondamentaux des fidèles, l’on verra D. Le Tourneau, Les droits et les devoirs fondamentaux des fidèles et la communion dans l'Église, dans Pontificium Consilium de Legum Textibus Interpretandis, Ius et vita in missione Ecclesice. Acta Symposii Intemationalis luris Canonici occurrente X Anniversa­rio promulgationis Codicis luris Canonici diebus 19-24 április 1993 in Civitate Vaticana cele­brati, Cité du Vatican, 1994,367-382; Id., Quelle protection pour les droits et les devoirs fon­damentaux desfidèles dans l Église?, dans Studia Canonica 28 ( 1994) 59-83; Id., La protec­tion des droits fondamentaux des fidèles dans l Église d'après les écrits de Pedro Lombardia, Fidelium Iura 6 ( 1996) 181-215. 28 C. 214 CIC et c. 17 CCEO. 29 Voir c. 211 CIC et c. 14 CCEO. 30 Concile Vatican II, décr. Presbyterorum ordinis, n° 10.

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