Radocsay Dénes - Gerevich Lászlóné szerk.: A Szépművészeti Múzeum közleményei 30. (Budapest,1967)

HARASZTI-TAKÁCS, MARIANNE: Compositions de nus et leurs modeles

Même Roemer Visscher, le poète et commerçant amsterdamois d'une formation huma­niste, écrit avec un charme et une génie inventif digne d'un poète que «le langage des Hollandais grossiers et lourdauds veut imiter la mélodie des oiselets latins». 48 C'est en effet selon la mélodie des oiselets latins, mais plus «grossièrement» et plus platement que sonne le langage hollandais dans les oeuvres des peintres maniéristes, bien qu'il soit évident que c'est l'art de l'Italie qui fut la source principale des peintres nor­diques. On peut démontrer pièce par pièce l'influence que les compositions compliquées et les figures d'une attitude irréelle des maniéristes florentins avaient exercé sur les maîtres nordiques. Les figures tordues, nues ou demi vêtues et mues par la passion, de Rosso Fiorentino, de Pontormo, de Beccafumi chantent l'éloge du nouvel idéal de l'art, 1'«invention». C'est l'invention qu'exalteront les maîtres arrivés en Italie d'au-delà des Alpes, lorsqu'ils radoucissent la passion et l'excitation en études anatomiques et lorsqu'ils transforment le contenu tragique en un jeu gratuit des formes. C'est bien ce que fait Cor­nelis Cornelisz. lorsqu'il dessine les Titans menaçant le ciel. Ces dessins durent leur im­mense succès non seulement à leur caractère moderne, mais aussi aux gravures de Golt­zius qui montrent que dans les ateliers des peintres nordiques on employait comme mo­dèles non seulement les mannequins qui se rattachaient au nom de Dürer, et exécutés avec un soin méticuleux, mais aussi des modèles rappelant plutôt des poupées anato­miques. A savoir, Cornelis a dû, dans la première décade de sa carrière, peindre ces figures d'après des «hommes d'étude» faits de faisceaux musculaires, alors qu'à partir des années 1590, celles-ci changaient d'aspect pour rester les mêmes, tant dans les types de visage que dans leur structure pendant des dizaines d'années, jusqu'à la fin de sa car­rière. 49 Cornelis Cornelisz., natif de Haarlem, devint à Amsterdam l'élève de Pieter Pietersz. connu également par ses représentations de nus. Nous ignorons s'il fit un voyage d'études en Italie, mais il eut l'occasion lors de son séjour à Rouen, mais surtout à Anvers, de connaître le romanisme et le maniérisme. A Anvers, son maître était Gillis Congniet dont nombreuses compositions à plusieurs personnages, représentant des scènes religieu­ses surpeuplées de nus, sont conservées dans les églises et musées de Belgique. 50 La première oeuvre connue de Cornelis âgé à peine de vingt ans est un portrait de groupe dans lequel il continuait les traditions de son pays et où il représentait les membres de la société de tir de Haarlem (Haarlem, Musée Frans Hals). Un portrait et quelques dessins qui dirigeaient l'attention du peintre sur la mythologie, l'inspirèrent de très bonne heure à peindre des oeuvres d'une note fondamentale erotique et dont le sujet était autre que celui des compositions figurées de la Renaissance italienne. C'est en 1587 que fut exécuté l'«Énée et Achate» (autrefois dans la collection Hatvány à Budapest), qui représente deux nus masculins et qui marque déjà clairement la tendance du peintre, mais montre aussi dessins de Goltzius, Jean Pierre Mariette dans la préface du catalogue, de 1741, de la collection Crozat. Cité par Reznicek, E.K.J., op. cit., p. 38. C'est dans le même esprit que se prononce aussi Füssli sur les maniéristes hollandais, et blâme surtout l'oeuvre de Cornelis van Haarlem, intitulée «Cadmus et le dragon», connue par la gravure de Goltzius. Ibid., p. 39. 48 Cité dans la biographie de Roemer Visscher: Németalföldi költők antológiája (Antho­logie des poètes des Pays-Bas). Budapest, 1966. 19 Cornelis van Haarlem a eu lui aussi un homme anatomique qu'il employait peut-être comme modèle immédiat dans ses tableaux et dessins. Cf. : B r e d i u s, A. : Künstler Inventare. Op. cit., VII, pp. 77 et suiv. 50 La littérature n'a noté que peu de tableaux de Congniet. Parmi ceux qui nous sont restés, le «Saint Georges» exposé au Musée d'Anvers, témoigne de son goût prononcé pour l'anatomie. Quant au choix des sujets de Cornelis, ce sont plutôt les compositions de nus de sujet mythologique de Congniet qui ont dû l'inspirer, tel le tableau figurant dans l'inventaire de 1621, de Prague: «Ein baad mit nackenden weibern vom Egidio Congniet.» Jahrbuch der Kunsthistorischen Samm­lungen. Wien, XXV, 1905, 19421, 1257 (XLVII L).

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