Radocsay Dénes - Gerevich Lászlóné szerk.: A Szépművészeti Múzeum közleményei 24. (Budapest,1964)

PIGLER, ANDRE: La mouche peinte: un talisman

de voir la charmante Madone, les anges aux ailes pointus et le doux paysage, tandis que sur les bords le parchemin ne subsiste qu'en lambeaux et en languettes redressées. La raison pourquoi la pellicule protectrice devint superflue est expliquée aux initiés par la présence de la mouche magique disposée dans l'angle gauche inférieur, des­tinée à éloigner du tableau ses semblables vivants. L'idée fantastique du talisman magique appelé à protéger le tableau de l'impureté, n'aurait jamais pu se manifester dans un langage visuel plus clair. La question se pose ici de savoir pourquoi les tableaux portant les mouches, subsistant de cette période de soixante à soixante-dix ans, sont si peu nombreux, et pourquoi la représentation du talisman n'était pas plus répandue. Bien entendu, il est très difficile d'en donner un réponse absolument satisfaisante, mais nous indi­querons, en tant qu'analogie, le fait que les peintres de cette époque n'avaient marqué les tableaux de leur nom et de la date de leur exécution que fort rarement, et plutôt accidentellement. Néanmoins, il est intéressant de noter incidemment que Crivelli, qui exceptionnellement a souvent signé ses tableaux, marche en tête dans l'appli­cation fréquente du talisman. Quant à la rare présence des mouches peintes sur les tableaux des temps posté­rieurs, tout plaide en faveur du fait que celles-ci n'eurent pas une destination apotro­païque. Non seulement les représentations d'insectes figurant avec les symboles de la mort (par exemple les crânes ci-haut mentionnés) trouvent une motivation dans le «thème» des tableaux, mais aussi les mouches apparaissant par-ci par-là sur les natures mortes aux fleurs et aux fruits néerlandaises du XVII e siècle. La splendeur des couleurs des bouquets de Ambrosius Bosschaert, le parfum des fruits de Willem van Aelst, leur rondeur et leur velouté rendus avec une fidélité frappante à s'y méprendre, attirèrent les insectes: c'est bien ça que les Feinmahr voulurent faire croire. L'intention d'étonner et d'amuser le spectateur n'a ici plus rien à voir avec la superstition médiévale ; cette nouvelle variante de l'illusionnisme accompagne, sur un autre plan, l'essor des sciences de la nature. ANDRÉ PIGLEPv

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