Radocsay Dénes - Gerevich Lászlóné szerk.: A Szépművészeti Múzeum közleményei 20. (Budapest 1962)

PANOFSKY, ERWIN: La construction de l'Argo en tant qu'allégorie platonicienne. L'iconographie d'un dessin mantegnesque vers 1500

terrestres contraste explicitement avec le monde des idées célestes. Tout animal ou être humain sur la terre est lié par un rayon (symbolisant l'interrelation ontologique entre les deux sphères) à une figure minuscule dans le firmament qui correspond à sa contre-partie matérielle par sa forme mais est de plus petite taille, se présente dans un profil pur, et est peinte en or.

3 Ainsi une analogie s'établit entre les activités d'Argus, le constructeur de navire, et celles du « Démiurge divin » de Platon. Cette analogie se trouve encore corroborée par trois motifs spéciaux. Le constructeur travaille avec un fil à plomb, l'instrument qui rend les choses « droites »; il possède un compas, symbole traditionnel de la Mesure, de la Beauté et de la Vérité (Dieu lui-même qui a tout arrangé selon le nombre, le poids et la mesure est souvent représenté en créant le monde avec l'aide d'un compas); avant toutes choses il a deux visages, tout comme le bateau « idéal » a deux paires d'yeux. L'un des visages est tourné vers le travail entrepris et l'autre vers le ciel, ne regardant pas le bateau « idéal », mais produisant l'impression que le constructeur ne le perçoit qu'avec les « yeux de l'esprit ». La présence de ces deux visages convertit la personne concrète d'Argus en la personnification d'un concept abstrait qu'on pourrait désigner comme la Prudence ou la Prévoyance (il convient de rappeler que le mot prudentia est la contraction du mot Providentia). La Prudence est pour la plupart représentée avec trois visages ou têtes exprimant l'idée que l'action prudente demande de se souvenir du passé, de bien ordonner le présent et d'anticiper l'avenir (« praeterita recolo, praesentia ordino, fut ura prae video », comme on le lit sur une tapisserie de Bruxelles de 1525 environ). Cependant dans plusieurs cas deux visages ou têtes, l'un regardant en avant et l'autre en arrière, furent considérés comme suffisants. Des exemples en sont le relief sur le Campanile de Florence représentant la Prudence,

4 la Prudence de Raphaël dans la Stance de la Segnatura, une gravure rossesque dans la Bibliothèque Nationale,

5 un beaux dessin de Benignus Campis, dans la même collection,

6 ainsi que le modello d'un char triomphal de Rubens au musée d'Anvers. Cesare Ripa, dans son Iconologia, décrit en détail les personnifications de la Prudence (Prudenza) et de la Prévoyance (Previdenza)

, comme ayant deux têtes qui « dimostrano che per prevedere le cose da venire, giova assai la cognitione délie cose passate » ; et il convient de mentionner que la Previdenza de Ripa possède elle aussi un compas, étant donné que pour prévoir l'avenir on doit « misurare le qualità, gli ordini, le dispositioni, i tempi e tutti gli accidenti del discorso di serio giuditio, e di discreto pensiero». Malgré ceci on pourrait objecter que ce qui se passe dans l'esprit d'un homme d'action prudent et prévoyant, conformant sa conduite à ce qu'il a appris du passé, diffère grandement de la conception d'un constructeur de bateau qui accomplit son travail selon une idée préétablie. Toutefois, pour un bon platonicien cette différence entre la mémoration et la cognition n'existe pas. Selon la doctrine de Platon l'être humain n'est capable d'acquérir des idées quelles qu'elles soient, que par le processus de la « mémoration » (anamnesis) qui, dépendant plus ou moins de sa sagesse, lui permet de les évoquer de sa propre pré-existence.

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II e r m a n n, H. J. : Miniaturhandsehriften aus der Bibliothek des Herzogs Andrea Matteo III. Aequaviva. Jahrbuch der Kunsthistorischen Sammlungen des Allerhöchsten Kaiserhauses, XIX, 1898. pp. 147 et suiv., particulièrement pp. 163 et suiv. et pl. VI. 4

Venturi, A. : Storia delPArte Italiana IV, Milano, 1906. p. 550. 5 Gazette des Beaux-Arts, Serie 6, LH, 1958. p. 175, fig. 57. 6 Ibid. Série 6, LUI, 1959. p. 267, fig. 2. 7 Le locus classicus se trouve dans le Phédon : 72E —77A. Cf. : Phèdre, 249E — 250C.