Radocsay Dénes - Gerevich Lászlóné szerk.: A Szépművészeti Múzeum közleményei 19. (Budapest 1961)

PIGLER, ANDRÉ: L'élément nordique dans l'art de Lorenzo Lotto

regarde de ses yeux divergeants dans le lointain, est un phénomène foncièrement singulier dans les portraits de Lotto, et il faut avouer qu'il nous choque sérieusement. Quant à cette dualité, il convient de considérer que la toile très finement tissée, sur laquelle le portrait est peint, est à la hauteur de la main gauche rallongée horizon­talement. Malgré ceci, il ne serait aucunement justifié de supposer que la partie supérieure «froide» et manquant d'une franchise véritable soit sortie d'une autre main que la partie inférieure «chaude», c'est à dire la nature morte peinte avec un grand dévouement. Le meilleur argument contre cette supposition nous est fourni par la bordure de fourrure sur l'habit, dont la facture est partout homogène : la peinture de la fourrure est autour du cou aussi magistrale qu'au-dessus des poignets. Ce qui est d'un effet peu agréable, c'est l'ombre portée sur le fond neutre, som­mairement peinte. Ce phénomène n'est pas sans avoir d'analogies dans l'art de Lotto arrivé à pleine maturité : on le rencontre sous une forme similaire dans le portrait d'un homme barbu âgé de quarante-sept ans, qui autrefois se trouvait dans une collection privée à Londres, et sur lequel est apparue, grâce à une restauration récente, la date de 1541. 11 Malgré sa qualité plus modeste, le tableau de Budapest, peut être classé par ses particularités stylistiques dans le même rang que deux portraits bien connus : «l'Homme barbu tenant une lettre» de l'Académie de Venise — Berenson date le tableau des environs de 1535 12 — et «l'Architecte» du Kaiser Friedrich Museum de Berlin, dans lequel on a cru découvrir l'effigie de Jacopo Sansovino, et qui, selon Berenson a été exécuté vers 1540. 13 Leurs marques distinctives communes les plus importantes sont: la figure représentée de face et coupée bien au-dessous des hanches, donnant une impression de hauteur imposante, le fond neutre, ainsi que la simplicité puritaine de la palette. Le tableau du Musée des Beaux-Arts a été peint exactement au milieu de cet intervalle de cinq à six ans que nous avons mentionné, comme il ressort de l'inscription qu'on lit sur la feuille de papier visible sur l'encrier, dans l'angle gauche inférieur du tableau : 14 Adi 27 de febraro 1538. M[esser] Bertolameo, voria [= vorrei] fosti contento de dare in Felipo quelli denari perché io ne ô bisognio n[un]c. Vostro io[hannes] Do . . . Nous ne savons rien de précis sur les personnes nommées dans la sommation. Rechercher leur identité est d'autant plus difficile que deux des personnes ne figurent dans le texte que par leur prénoms, tandis que le nom de famille du troisième, l'expé­diteur de la lettre, est indistinct et mutilé. On ne peut que présumer que l'un de ceux ait été un financier professionnel, un banquier ou un commerçant. Le célèbre « Libro 11 Cf. Berenson, B. : op. cit. p. 119, pl. 339 A et „The Burlington Magazine" XCVIII, 1956. annonces, pl. IV. 12 Berenson, B. : op. cit. p. 470, pl. 289. "Berenson, B. : op. cit. p. 462, pl. 292. — Seidenberg, M. L. : Zum sogenannten Bildnis eines Architekten von Lorenzo Lotto. «Arte Veneta» XII, 1958. pp. 190 — 192. 14 La Direction des Archives de l'État de Venise a bien voulu m'aider à déchiffrer l'inscription.

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