Radocsay Dénes - Gerevich Lászlóné szerk.: A Szépművészeti Múzeum közleményei 19. (Budapest 1961)
PIGLER, ANDRÉ: L'élément nordique dans l'art de Lorenzo Lotto
vi è dubbio.» 9 Donc, c'est en premier lieu la présence des particularités nordiques dans l'ensemble de l'oeuvre de Lotto qui a une importance. Tels sont l'individualisme extrêmement nuancé de Lotto — en conséquence duquel il est, parmi les grands de l'art vénitien, celui qui est le moins un créateur de types —, le soin sans pareil avec lequel il rend les traits psychologiques, l'intimité exquise découlant de sa chaude vision de la nature, et finalement le plaisir d'appliquer certaines curiosités et traits bizarres. Qu'un sang nordique ait coulé ou non dans les veines de Lotto, l'ensemble de ces propriétés et leur présence dans son oeuvre témoignent que le maître a toujours éprouvé une sympathie pour l'art transalpin. De nature très sensible, réagissant promptement aux diverses influences, sans doute l'art de la Chine ou de l'Inde, s'il l'avait par hazard connu, aurait également laissé ses empreintes sur sa manière. Cependant l'élément nordique était chez lui non seulement un trait accessoire se manifestant de temps à autre comme une curiosité, mais un trait profond de sa personnalité, que l'on peut suivre autant dans ses compositions religieuses que dans ses portraits, à partir de ses premières créations jusqu'aux dernières. Voilà que nous intégrerons dans son oeuvre, jusqu'ici déjà inexplicablement riche, un portrait qui accuse une parenté particulièrement frappante avec le style nordique. Cette constatation semblera encore plus intéressante si nous considérons la personne portraiturée dans laquelle il faut voir un Allemand, notamment une personnalité des plus marquantes de son époque (fig. 26). Le tableau du Musée des BeauxArts de Budapest, peint sur toile et mesurant 107,5 X 89 cm, présente un homme de finance d'un certain âge, haut et maigre : une idole froide, comme le Mammon ressuscité. Son caractère étranger est rehaussé par le sourire figé du visage imberbe, comme celui d'un clown. L'homme vêtu d'un habit noir bordé de fourrure, se tenant devant un fond à gauche gris brun et à droite d'un brun chaud, est visible bien jusqu' au-dessous des hanches ; il s'apprête de mettre les pièces d'or, entassées devant lui, sur une balance suspendue sur sa main gauche. Son béret noir n'est pas accidentellement taillé à l'allemande. Les lignes verticales très accentuées contribuent à l'effet d'ensemble d'une manière aussi déterminante que le coloris extrêmement réservé. Toutes les couleurs qui, en dehors du noir, du brun et du blanc, y sont présentes, s'abritent, bien que faiblement, dans la nature morte disposée sur la table. Les objets arrangés dans un ordre raisonnable, parallèlement au plan du tableau, l'encrier verdâtre surmonté d'un petit récipient rouge-brun, le petit bouquet de fleurs artificielles, revêtu d'un émail bleu-vert, le coffret en marqueterie d'un brun chaud de la balance, les deux livres de commerce jaune-gris, très pittoresques, sur lesquels est placée une assiette de cuivre contenant des pièces d'or, sont peints avec cet amour même des moindres choses inanimées, qui est une particularité des plus caractéristique de la personnalité artistique de Lotto (fig 27). Alors que par sa conception et sa manière le détail de nature morte révèle si sensiblement la main de Lotto qu'il équivaut à une signature, la raideur mentionnée du visage et des mains d'un caractère tout autre est due sans doute à une circonstance extrinsèque. Le dessin des mains ne serait en lui-même pas surprenant, vu que Lotto a, en général, apporté peu de soin à ce facteur de l'expression de la figure humaine ; un exemple flagrant en est la main droite de la femme sur le portrait de famille dans la National Gallery de Londres. 10 Or, la désinvolture vide du visage modelé par de grands plans, qui ne cherche point le contact avec le spectateur mais 9 Z o c c a , E. : Divagazioni sulle opère giovanili del Lotto. «Rassegna Marchigiana» XI, 1933. p. 42. 10 Cf. Berenson, B. : op. cit. pl. 363.