Radocsay Dénes - Gerevich Lászlóné szerk.: A Szépművészeti Múzeum közleményei 15. (Budapest 1959)
P. A.: Un volume de la bibliotheque de Quevedo
UN VOLUME DE LA BIBLIOTHÈQUE DE QUEVEDO Cervantes est un astre tellement resplendissant du siècle classique de la littérature espagnole qu'il éclipse nécessairement la réputation de l'écrivain Quevedo son contemporain plus jeune. Pourtant l'imagination d'une puissante envolée de ce dernier, son don d'observation pénétrant et sans merci, son ingéniosité bizarre, évoquant les « Caprichos » de Goya, ainsi que sa pointe satirique, et non en dernier lieu son splendide art d'écrire font de lui sans doute une des plus grandes valeurs du baroque espagnol. Dans ses écrits fantaisistes rassemblés sous le titre « Suefios », dans son roman picaresque intitulé « História de la vida del Buscón », dans les poèmes de son « Parnaso espanol », ainsi que dans ses oeuvres historiques et morales, sa personnalité extraordinaire se présente dans toute sa variété et outrance. Malgré ses extravagances, Quevedo fut l'un des antagonistes les plus décidés du « estilo culto », style littéraire compliqué et ténébreux jusqu'à être incompréhensible, épanoui dans la poésie de Luis de Góngora. Don Francisco de Quevedo y Villegas, que Justus Lipsius avait nommé la gloire sublime des Espagnoles, Lope de Vega, le prince des poètes lyriques, et Cervantes, le fils d'Apollon, 1 nacquit à Madrid en 1580. Déjà écrivain réputé il se rendit en Sicile, puis à Naples où il devint l'homme de confiance et le chargé diplomatique du duc Osuna, vice-roi espagnol. Retourné vers 1623 dans sa patrie, il s'assura les faveurs du comte-duc Olivarez, mais bientôt il se tourna dans ses satires contre le ministre omnipotent. Il fut, en 1639, jeté en prison pour son mémorial poétique qu'il adressa à Philippe IV en vue de remédier à la situation générale et plaidant en faveur du peuple pauvre et opprimé. Après la disgrâce du comte-duc il fut libéré, mais bientôt après, en 1645, il mourut à Valbuena par suite des souffrances qu'il dut endurer dans la prison. Tel qu'on le voit représenté par Velazquez — le portrait, malheureusement, ne nous est parvenu que par sa copie (Londres, Apsley House) (fig. 18) — le spectateur se trouve en présence de particularités physionomiques dénotant une personnalité imposante et éveillée et un esprit libre et scrutateur. On pourrait consacrer une étude spéciale aux rapports de Quevedo avec les arts plastiques. Cari Justi, l'un des plus grands connaisseurs de la culture espagnole du XVII e siècle, qui évoque le souvenir du poète par des paroles prodigieusement chaleureuses, accentue que c'est Quevedo qui, dans la littérature, fut le premier à préconiser l'importance de Velazquez. L'un des poèmes du « Parnaso espanol » mentionne « el gran Velazquez » immédiatement après Raphaël et Michelange, et relève les propriétés de son art, précisément celles que la postérité estime les plus essentielles et apprécie particulièrement : au-delà de la ressemblance, la vérité, l'effet plastique, l'entrain, la morbidesse des chairs et la touche magistrale, inéga1 Obras de Don Francisco de Quevedo Villegas : Poesias. ed. F. Janer. Biblioteca de Autores Espanoles LXIX. Madrid, 1877. p. V.