Radocsay Dénes - Kaposy Veronika szerk.: A Szépművészeti Múzeum közleményei 11. (Budapest, 1957)
TAKÁCS, MARIANNE: Peintures de Bernardo Strozzi au Musée des Beaux-Arts
peintures. 18 Cependant, le Veronese n'est jamais allé aussi loin que le peintre de la «Jeune fille endormie» dans la représentation de scènes à caractère intime, et cela pas même dans les détails d'une atmosphère intime des fresques de la Villa Maser ; il n'a jamais représenté un sujet pour lui-même, sans aucun égard au spectateur, comme l'a fait ici ce dernier. Le sujet de l'eau-forte faite par J. Moyreau et qui serait copiée sur un prétendu tableau perdu du Veronese 19 peut bien avoir certains rapports avec notre tableau, comme le suppose le catalogue de 1954. Ce portrait de genre (représentant, selon l'inscription, la maîtresse du Veronese) va déjà plus loin, dans la reproduction d'une atmosphère de vie quotidienne, que les autres tableaux de cet artiste ; toutefois, la jeune fille que l'on voit sur la gravure ne dort pas, elle est seulement songeuse ; telle qu'elle est représentée, elle a conscience de l'existence du peintre et du spectateur ; la fille endormie de notre peinture, par contre, ignore l'existence du monde qui l'entoure : elle dort profondément. Par ailleurs, toutes les peintures représentant des femmes endormies, que l'on a l'habitude de rattacher au nom d'Antonio Amorosi, ne s'apparentent que de loin à notre tableau, et cela aussi du point de vue du sujet seulement. 20 Sigismondo Coccapani — dont le nom a été dernièrement évoqué par Roberto Longhi à propos de notre peinture 21 — est, aussi bien d'ailleurs qu'Amorosi, un peintre beaucoup trop faible pour qu'on puisse se hasarder à lui attribuer la «Jeune fille endormie». Ce n'est point sans raison qu'on a renvoyé, à propos de notre peinture, à Domenico Fetti. Le style pictural du tableau, le caractère « vulgaire » du sujet font dater le tableau de la première moitié du XVII e siècle ; le brillant des couleurs situe le peintre à Venise. En examinant de plus près les oeuvres de Domenico Fetti, on en trouve parmi elles qui, d'un certain point de vue, s'apparentent à la «Jeune fille endormie » ; telle est par exemple la « Madeleine repentante » de la Galleria Doria de Rome, la « Mélancolie » de l'Accademia di Belle Arti de Venise, ou même le « David » de Dresde. Cependant, tous les tableaux de Fetti représentant une seule figure humaine diffèrent profondément de notre peinture pour ce qui est de leur atmosphère, de leur conception et de leur composition. Fetti aime les fonds clairs et mouvementés ; ses figures, même lorsqu'elles se reposent, ont de l'inquiétude dans leur maintien. Quelque riches que soient les plis des vêtements que portent ses figures, il n'emploie jamais de brocart doré comme celui qui couvre le divan sur lequel repose la « Jeune fille endormie ». Son style pictural, l'épaisseur de ses touches ne sont pas aussi différenciés que ceux du maître à qui on doit la « Jeune fille endormie » ; en peignant les visages de ses figures, il se soucie moins des détails que ne le fait ce dernier. Les fonds, par contre, il les décompose, ne serait-ce que dans les grandes lignes, du point de vue de la forme aussi bien que du point de vue de la répartition des couleurs et des lumières. Les meilleures pièces de son œuvre sont les compositions de petit format, représentant des figures de petit format, dans lesquelles les figures sont disposées devant un riche fond architectural. Dans ses peintures rappelant des tableaux de genre et représentant une seule figure, il excelle moins ; là, sa manière est souvent ennuyeuse et trop approximative. L'étude des ouvrages récents consacrés à Fetti nous fait penser qu'une partie des chercheurs ne connaissent notre peinture que d'après une photographie. 18 « Vision do Sainte Hélène » (Londres, National Gallery) et « Méditation de Sainte Hélène » (Rome, Galerie du Vatican). 19 Pi gl er, A.: op. cit. p. 193. 20 Voss, H. : Die falschen Spanier. Cicerone. Vol. II. 1910. p. 6-7. 21 Longhi, R. : Ultimi studi sul Caravaggio e la sua cerchia. Proporzioni. 1943. p. 57.
