Szilágyi János György - Kaposy Veronika szerk.: A Szépművészeti Múzeum közleményei 8. (Budapest, 1955)
FREL, JIŔI (Praha): Un nouveau portrait de Thucydide
décadente de son époque ; la construction anatomique se détériore, on ne sent plus l'ossature sous les plis de la peau, l'expression ne suit pas la structure organique des muscles, le modelé est assez superficiel. En outre, l'artisan est un marbrier de formation qui ne se soucie guère de rendre la matière originale. Cette circonstance rapproche la tête de Genève du nouveau Thucydide de Budapest. Mais ici les valeurs plastiques prennent tout leur essor, et si le travail est d'une virtuosité un peu hâtive, négligeant les parties secondaires, il aboutit dans la face à un résultat très heureux. Nul doute que la copie date encore du I er siècle de n. è., probablement de l'époque flavienne. Son sculpteur a compris, a senti l'original grec, et s'il procède par une esquisse légère, complètement étrangère à l'artiste attique qui moula l'original, il sait toutefois rendre l'harmonie radieuse de son style et la pénétration de sa psychologie. En effet, le mérite principal de la tête de Budapest est de reproduire presque exactement le côté portrait. Cette qualité est ici décisive, car les modifications éventuelles du style artistique qui interviennent dans les copies romaines des sculptures grecques, peuvent entraîner, lorsqu'il s'agit d'un portrait, une autre intreprétation de la personnalité en question. 12 Les problèmes suscités autour de maints portraits grecs — comme celui de Thémistocle 13 ou aussi de Thucydide — témoignent en effet des difficultés auxquelles se heurtent la chronologie et l'appréciation. Si l'on confronte de ce point de vue les répliques du Thucydide, on constate en effet des différences. Le double hermès de Naples apparaît comme un ouvrage surtout décoratif, destiné à la décoration intellectuelle d'une villa, d'une bibliothèque. Ainsi, il rend assez correctement l'aspect extérieur de l'original avec des modifications indispensables ; il supprime surtout le mouvement caractéristique de la tête. Enfin, il ne se soucie pas de l'éthos du personnage. Le sculpteur du buste d'Holkham Hall observe en revanche la disposition originale dans son ensemble, mais il néglige les nuances de l'expression qui n'intéressent pas son époque. Le buste pétrifie la personnalité de Thucydide au niveau d'un «classique», il le présente comme un exemplum à la manière simpliste d'un Cornélius Népos. Alors que ces deux exemplaires réduisent l'original à l'échelle de leur époque, la tête de Genève y apporte des éléments étrangers. L'expressionisme du regard et de la mimique défigure ici la réalité anatomique, le pathos rappelle le portrait de Caracalla, auquel ce Thucydide s'apparente aussi par le traitement de la barbe. En outre, un autre phénomène éloigne cette réplique de l'original: la différence est considérable entre la face et le profil, on dirait que ce n'est plus le même homme. Cette particularité est propre aux portraits de l'époque romaine, où elle apparaît dès le début et s'accentue aux cours des siècles. Le profil, au contour précis d'un médaillon, se distingue nettement de la vue de face. On dirait que le profil est parfois plus « monumental », officiel, mettant en relief le volontarisme, fier chez 12 Cf. l'observation de L i p p o 1 d, G. : Gnomon 19(1943) p. 416. 13 Récemment Weber, H. (Gnomon 27, 1955. pp. 445 sq.) a analysé l'interprétation du personnage et conclut qu'il s'agit d'une création essentiellement romaine (fin du Hème _ début du III èms s. de n. è.). Pourtant, malgré les modifications propres à l'époque tardive de la copie, l'original apparaît convaincant à la fois en ce qui concerne le style (cf. en dernier lieu l'observation d'un détail significatif, à savoir le traitement l'oreille — R i c h t e r, G. M. A. : Greek Portraits. Bruxelles, 1955. pp. 16 sqq. — qui date indiscutablement comme d'autres traits de 460 av. n. è.) et la conception du portrait. L'individualisme précoce fut combattu à l'époque par la cité et par ses idéologues (Eschyle) , donc il existait et sa réalisation dans le portrait de son champion par excellence ne contredit nullement la situation historique. Si de telles tendances furent ensuite interdites aux artistes de la cité péricléenne, le portrait de Thémistocle, très individualisé, reste dans le cadre des idées et de l'art de son époque ; la personnalité héroïque qui en ressort, est loin, même chargée de l'interprétation romaine, de la psychologie complexe des créations du IVème s . a v. n. è.
