Szilágyi János György - Kaposy Veronika szerk.: A Szépművészeti Múzeum közleményei 4. (Budapest, 1949)
MARIE KÁLMÁN: Le centenaire des «Lutteurs»
déroule sur la pelouse de la piste du champ de courses des Champs Elysées. 8 Les membres aux muscles tendus des lutteurs s'entrelacent et décrivent des contours nettement délimités, et se détachent sur le fond avec la plasticité d'un groupe de sculpture. Cette lutte qui se déroule au premier plan du tableau, est suivie d'une foule de spectateurs assis sur les tribunes disposées parmi les arbres aux feuillages touffus de l'arrière-plan ; les figures de ces spectateurs se perdent dans le lointain et forment à peine plus qu'une multitude de petites taches rondes. Les assistants occupent le côté droit du fond : à gauche, à peine distinctes, les tours carrées d'un château s'élèvent au-dessus de la cime des arbres touffus. 9 Dans le coloris du tableau auquel la restauration soignée de M. Brutus Sárdy a rendu sa fraîcheur primitive, c'est le vert qui domine, un vert plein, aux nuances intenses. D'un tel vert sont la pelouse, le feuillage des arbres, peint d'une façon plus relâchée, avec des nuances moins accusées, en demi-teintes, et même le petit groupe des spectateurs qui sort à peine de cette couleur fondamentale par quelques petites taches bleues, jaunes ou rouges. A côté des verts, ce sont les nuances brunâtres des corps des athlètes qui dominent dans le tableau dont le coloris est complété par la nappe bleue, aux nuages blancs, du ciel lumineux d'un jour d'été. La critique s'est montrée très sévère pour cette composition aussi bien que pour les Baigneuses, et non seulement les ennemis de Courbet, mais ses amis personnels, même les partisans de son art y trouvèrent beaucoup à blâmer. Théophile Gautier selon qui d'ailleurs Courbet «était entré dans l'art comme un paysan du Danube», écrivit ceci à propos du tableau : «Pour les Lutteurs, ils se sont roulés préalablement dans la suie et le charbon afin d'avoir plus de prise ...». 10 «Pourquoi chercher l'ignoble?» — demanda Boyeldieu d'Auvigny. C'est un tableau repoussant, écrivit Horsin-Déon et il ne comprenait point comment on avait pu admettre l'oeuvre au Salon. 11 Bien plus précieuse que l'avis de ces critiques superficiels, prompts à s'indigner, est pour nous l'opinion de Delacroix. 12 Dans son journal il note en effet, à propos des Lutteurs : «Les deux Lutteurs montrent le défaut d'action et confirment l'impuissance dans l'invention. Le fond tue les figures, et il faudrait en ôter plus de trois pieds tout autour.» 13 Il est intéressent de citer aussi ce que Delacroix écrit en analysant le pendant de notre tableau, les Baigneuses : «Le paysage est d'une vigueur extraordinaire, mais il n'a fait autre chose que mettre en grand une étude que l'on voit là près de sa toile ; il en résulte que les figures y ont été mises ensuite et sans lien avec ce qui les entoure.» 14 Cette remarque de Delacroix fut reprise et plus amplement développée par les historiens de la peinture de Courbet qui rapportent souvent aux Lutteurs ce que nous venons de citer concernant les Baigneuses. Et ils font cela à juste raison puisque dans ce tableau aussi il y a peu de rapport entre le premier plan et le fond, les figures et le paysage, les principaux protagonistes et leur entourage. L'exécution des deux athlètes 8 «Le couronnement de l'arc de l'Étoile, entrevu au-dessus de la barrière de l'Hippodrome nous avertit que la scène se prétend moderne.» B é n é d i t e, L. : op. cit. 48. 'Léger, Ch. : op. cit. 53. 10 Riat, G.: op. cit. 106. 11 B é n é d i t e, L. : op. cit. 48. 12 Comme son journal le témoigne, Delacroix suivit avec grand intérêt l'évolution de Courbet, il apprécia hautement plusieurs de ses tableaux et passa, de son propre aveu, des heures et des heures devant l'Enterrement d'Ornans. 13 Journal d'Eugèn Delacroix. IL Paris, 1893. 160. 14 Id. 159-160.