A Magyar Nemzeti Galéria Évkönyve 3. szám. (MNG Budapest, 1980)
LES PANNEAUX DU MAÎTRE MS CONSERVES À BUDAPEST, HONTSZENTANTAL (ANTOL) ET LILLE Deux des scènes représentées par les trois panneaux dont nous allons parler, la Visitation et la Nativité décoraient autrefois le haut des faces extérieures des deux volets de l'ancien retable de Selmecbánya (Banská Stiavnica, Schemnitz). Elles furent peintes ensemble et se voyaient l'une à côté de l'autre si le retable était fermé. Devant elles sur un volet fixe se trouvait probablement la scène de Y Annonciation et, derrière elles, celle de Y Adoration des Mages. Toutes les deux ont disparu. 1 Le troisième tableau, exécuté un peu plus tard et conservé actuellement au Musée des Beaux-Arts à Lille, devait certainement faire partie d'un autre retable que nous ne connaissons pas. Du fait qu'il s'apparente par son sujet, Y Adoration des Mages, à l'un des panneaux disparus du retable de Selmecbánya, je l'examinerai parallèlement aux deux premiers. 2 LA VISITATION Il a été déjà constaté par Zsuzsa Urbach 3 que les sources de la Visitation de Budapest (Fig. 4 et 6) sont à chercher dans l'œuvre de Rogier van der Weyden. Le type de Visitation en plein air dérive en effet des Visitations de Rogier. La scène ne présente que deux personnages : la Sainte Vierge et Elisabeth qui se rencontrent en cours de route, pour ainsi dire, et non pas chez Zacharie. Les fleurs et les plantes qui entourent leurs figures sont les attributs de la Vierge. Vue sous cet aspect, la Visitation du Maître MS est une adaptation et modernisation en style du gothique tardif de l'imposant modèle flamand. L'exemple donné par Rogier a eu une très grande importance pour notre peintre. Rien ne le prouve mieux que le rôle qu'il a attribué à la présence de sainte Elisabeth dans la scène : en effet, nous voyons dans la figure de la sainte femme une réplique de celle de saint Jean l'Évangéliste dans le tableau de Rogier, la Déploration du Christ devant le tombeau (Offices, Florence). 4 La figure d'homme de ce tableau a été transformée dans la Visitation en une figure de femme dont les pas pressés, la révérence rappellent les gestes de l'attitude de l'Évangéliste. Les traits de son visage portent encore la marque de la physionomie de saint Jean : l'expression presque de la même tristesse, le nez sortant un peu de travers du visage, la ligne oblique des lèvres arrondies pour le baiser, le dessin du menton rond se recourbant légèrement au double menton. Zsuzsa Urbach a étudié en détail les analogies relevées dans la conception iconographique. Remarquons seulement que c'est également à Rogier que le Maître MS doit la conception du baisemain qu'il a connue par le tableau conservé à Florence. Cependant, le Maître MS a dû modifier son modèle pour l'adapter à son sujet. Notons qu'il a fait sienne l'idée de présenter un personnage saisissant des deux mains la main sacrée du Christ ou la main gauche de la Vierge, levée « manu velata » à la hauteur de sa bouche pour y apposer un baiser sans la toucher de ses lèvres, ce qui donne au baiser un caractère éthéré. Il a bien compris que ce geste a plus de noblesse que celui de Marie-Madeleine (Fig. 5) baisant la main du Christ mort dans la. Mise au tombeau de Schongauer (B. 18). 5 C'est pour cette raison que le Maître MS a uni la conception plus ancienne de Rogier à celle de Schongauer. En effet, dans le tableau de Rogier les mains de l'Évangéliste qui se penche pour le baisemain ne se voient pas : masquées par le linceul, elles lèvent en haut, exposent celles du Christ. Par contre, ce qui est très instructif chez Schongauer, c'est justement le jeu des mains exprimant une compassion particulière. Le Maître MS en a profité également. Il a modifié la pose de la main gauche de Madeleine qui lui servait de modèle dans sa représentation de la main gauche de sainte Elisabeth où celle-ci tient le coude de la Vierge en le saisissant « manu velata » par la manche de sa robe tandis que de la main droite elle lève la main gauche de la Vierge du même mouvement que Madeleine, dans la gravure sur cuivre, lève la main du Christ. La main gauche qui reçoit le baiser est portée à la bouche sans que les lèvres l'effleurent comme dans la composition de Schongauer. Les deux mains que nous voyons dans la Visitation ont gardé les réminiscences de détails semblables observés chez Rogier, respectivement chez Schongauer. Il est probable qu'un détail du tableau de Rogier (conservé à Florence), montrant la main gauche flasque du Christ, servit de modèle pour la représentation de la main gauche de la Vierge, tandis que la main droite de sainte Elisabeth eut certainement pour modèle la main droite, à peine modifiée dans un style gothique par le peintre, du nu féminin que l'on voit dans Le Rêve du docteur, une gravure de Dürer (B. 76) (Fig. 7). 6 Un détail intéressant de cette main, c'est le pouce excessivement allongé, peut-être dans l'intention de suggérer la