A Magyar Nemzeti Galéria Évkönyve 3. szám. (MNG Budapest, 1980)

Avec la mort de Canon, survenue le 12 septembre 1885 (selon la lettre de faire-part elle aurait été subite) l'exécution du tableau destiné au plafond du Kunst­historisches Museum, échoua pour la deuxième fois. On ne sait pas comment il fut question, comme troisième nom, du peintre hongrois Munkácsy, vivant alors à Paris, pour réaliser le tableau de plafond. De toute façon il était naturel que le choix se portât sur Munkácsy, étant donné qu'il était le compagnon de fortune de Makart. Depuis la médaille d'or qui lui avait été décernée au Sa­lon de 1870 pour sa première œuvre parisienne : « La cellule d'un condamné à mort » (le jeune Defregger avait commencé la même année sa carrière à Munich avec son tableau : « Speckbacher et son fils Anderl »), Mun­kácsy connaissait succès sur succès avec ses tableaux de genre et de salon, et surtout avec ses tableaux historiques et ses imposantes scènes de la vie du Christ — œuvres qui, grâce à la parfaite organisation du marchand de tableaux parisien, Charles Sedelmeyer, firent le tour du monde — si bien que Munkácsy était devenu l'un des peintres les plus fêtés de son temps. Sa célébrité se reflète aussi dans les nombreux hommages qui lui furent rendus solen­nellement et dans les hautes distinctions dont il fut comblé. A l'occasion de l'exposition mondiale de 1878 — qui eut lieu à Paris, dans le pays qu'il avait choisi com­me patrie — où Munkácsy figurait entre autres avec son tableau « Milton », il reçut la croix d'officier de la Lé­gion d'honneur, tandis que l'empereur d'Autriche le dé­corait de l'Ordre de François-Joseph (Pro litteris et artibus) et lui conférait la noblesse hongroise. Dans les années qui suivirent, on trouvait à Vienne aussi quelques œuvres célèbres de Munkácsy. C'est de là, qu'après l'ex­position mondiale, commença la « marche » triomphale de « Milton ». 21 Au début de l'année 1882, on pouvait admirer au Kunstlerhaus la grande composition : « Le Christ devant Ponce-Pilate » (1881) et, au mois de no­vembre 1884, le tableau de mêmes dimensions représen­tant «Le Christ au Golgotha ». Ces deux œuvres majeures mises à part, les toiles de Munkácsy étaient exposées dans une salle avec celles des autres peintres austro-hongrois qui vivaient à Paris : Charlemont, Tho­ren, Ribarz, Pettenkofen etc. 22 Le 23 novembre, l'em­pereur en personne visita l'exposition et « se prononça très favorablement» sur les tableaux. 23 Enfin, à l'automne 1887, Vienne put aussi admirer « Mozart ». 24 Il paraît certain que c'est l'architecte en chef, le baron von Hasenauer, qui fut chargé par la cour de faire appel à Munkácsy, à en croire la réponse que lui adressa Mun­kácsy le 13 juillet 1886, et qui permet de bien recons­truire les événements. 25 (Dans cette lettre, Munkácsy donne à Hasenauer le titre de directeur du musée impé­rial. 26 ) Elle montre que Munkácsy n'a répondu qu'à la deuxième lettre de Hasenauer, et seulement après un long délai. Le peintre le prie d'excuser le retard qu'il a apporté à répondre, et accepte en principe une tâche qui l'honore ; en outre, il aborde deux questions im­portantes : l'une touche ses honoraires — malheureuse­ment la réponse ne répète pas la somme — il demande si le « F » signifie franc ou florin [gulden] (en ce temps-là, un gulden valait deux francs) disant que le travail coû­tera beaucoup de peine et beaucoup d'argent, et que Makart l'aurait sûrement exécuté à des conditions plus avantageuses que lui, à Paris. Il ajoute qu'un voyage à Vienne serait absolument indispensable pour se rendre compte de la situation. Comme deuxième question, il demande si le thème indiqué - certainement encore « Le triomphe de la Lumière sur les Ténèbres » - doit être considéré comme une condition ou bien si l'artiste a le droit d'en décider autrement. A la fin de sa lettre, Munkácsy exprime le plaisir que lui a causé le jugement positif porté par Hasenauer sur son « Mozart », tableau qu'il a sans doute dû voir à Budapest. Cela serait sou­haitable - écrit le peintre - que le tableau pût appartenir au musée impérial et qu'il ne dût pas, de nouveau, émigrer en Amérique. (Malheureusement, il n'en fut rien). C'est le prince Constantin Hohenlohe-Schillingfürst, Grand maître des cérémonies, qui, en personne, donna à l'artiste tous les renseignements ultérieurs. Le brouillon original de la lettre datée du 13 septembre 1886, écrit au crayon, a été conservé 27 : «Lieber Herr Munkácsy » — écrit le prince — « J'ai appris avec plaisir que vous accepteriez d'exécuter le tableau de plafond pour le Kunsthistorisches Museum de Vienne, grâce à quoi celui-ci s'enrichirait d'un nouveau »... « et sans dou­te d'un des plus beaux ornements » y a été ajouté ulté­rieurement à la main par le prince. Puis suivent, avec une rigueur mathématique, les principales données ayant trait à la commande, et que nous connaissons par les contrats de Makart et de Canon. Tout d'abord les dimensions absolument exactes du tableau sont de 10,119 m sur 10,879 m, respectivement celles du châssis de 10,225 sur 10,985 m, compte tenu de la largeur de la bordure du plafond calculée à 0,053 m ; avec la même précision (!), la distance entre le visiteur et le palier central de l'escalier est de 17,069 m. La deuxième partie de la lettre est plus importante : le professeur Makart à qui cette tâche avait été précédemment con­fiée, a exécuté douze lunettes formant la partie in­tégrante de la commande, mais pour le tableau de plafond en question, il n'a laissé qu'une esquisse. « Les tableaux des lunettes doivent être utilisés », par consé­quent, il faut que dans la mesure du possible les di­mensions des figures et les autres éléments du tableau de plafond soient en accord avec les tableaux des lunettes. Ceux-ci sont conservés dans le bureau de la Baukanzlei, au Musée de la Cour ; le projet de plafond par Makart s'y trouve également. La toile nécessaire

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