Csengeryné Nagy Zsuzsa dr. – Doroghyné Fehér Zsuzsa dr. szerk.: A Magyar Nemzeti Galéria Évkönyve 2. szám. (MNG Budapest, 1974)
langue et organisateur infatigable de la vie culturelle, Ferenc Kazinczy dont on pouvait voir à l'exposition le buste en marbre, un vrai chef-d'œuvre rendant bien le caractère du modèle, fut condamné, au cours du procès des conjurés, au régime de forteresse et passa 2387 jours dans une enceinte fortifiée. Le sens de la notion d'indépendance nationale variait d'une classe sociale, d'une couche sociale à l'autre : il était interprété différemment par l'aristocrate, le petit noble, le bourgeois, l'artiste, l'artisan, le paysan serf et le miséreux. L'art hongrois de l'âge moderne reflétait bien ce patriotisme à sens divers en s'adaptant à la conception du client, à celle de l'acheteur, exprimant quelquefois l'idée qu'en avait l'artiste lui-même. A côté du buste en marbre de l'écrivain Ferenc Kazinczy, un autre buste également en marbre, œuvre du même sculpteur, István Ferenczy, représente József Urményi, Grand-Justicier qui avait signé l'arrêt de condamnation de Kazinczy. Ce n'est pas l'opportunisme du sculpteur qui a placé les deux bustes l'un à côté de l'autre. Les deux modèles avaient été contemporains ; jeunes, ils avaient fait ensemble leurs études et âgés, ils étaient toujours liés par l'amitié. Nous connaissons une lettre d'Urményi dans laquelle celui-ci tout en s'excusant auprès du destinataire, Ferenc Kazinczy, il lui explique pourquoi il avait dû signer l'arrêt et lui rappelle qu'étant jeunes, ils avaient décidé tous les deux de consacrer leur vie au bien de l'humanité et de la patrie. Cependant, Urményi était très riche, il s'est élevé très haut dans la carrière administrative tandis que Kazinczy vivait difficilement de sa petite fortune et de celle de sa femme et il dépensait ce qu'il gagnait pour couvrir les frais de l'organisation de la vie culturelle encore à ses débuts. Même parmi les aristocrates très fortunés il s'en rencontrait qui exigeaient des réformes constitutionnelles, une certaine indépendance de la Hongrie, surtout pour assurer l'indépendance économique des gros propriétaires ; mais quand l'envie les prenait de jouer aux mécènes, ils aidaient davantage les artistes étrangers que les artistes hongrois. L'art national n'avait pu s'enraciner dans le sol hongrois qu'après l'ascension de la classe nouvelle, la bourgeoisie à ce niveau culturel et économique où ses membres éprouvaient déjà le besoin d'encourager l'art et de donner des commandes aux artistes. Par sa composition et son idéologie, cette bourgeoisie n'égalait pas la bourgeoisie classique des pays occidentaux. Elle devait sa culture à des nobles appauvris, à des prêtres d'origine paysanne, à des fonctionnaires municipaux et à des intellectuels venus de toutes les couches sociales ; l'expansion du capitalisme n'a joué son rôle qu'indirectement et avec lenteur dans l'histoire de l'art. Deux peintres hongrois de talent de la première moitié du XIX 0 siècle étaient contraints à émigrer pour se fonder une existence. Károly Marko travaillait en Italie, Károly ßrocky en Angleterre où ils ont acquis une certaine renommée. Ils ont gardé jusqu'à leur mort des rapports avec leur patrie, envoyaient régulièrement leurs œuvres aux expositions organisées à Pest et après la chute en 1849 de la lutte pour l'indépendance hongroise, poussés par un sincère sentiment de patriotisme, ils aidaient de leur mieux les émigrés hongrois. Parmi ceux qui étaient restés, István Ferenczy avait d'abord joui du soutien de l'aristocratie et avait pu réaliser quelques-uns de ses projets grandioses ; plus tard, quand le conflit des intérêts de classe entrait dans une phase aiguë, il a dû recourir à l'aide des intellectuels et des bourgeois qui se sont vite révélés incapables de pourvoir aux dépenses considérables nécessitées par l'exécution d'œuvres importantes. Le peintre Miklós Barabás avait réussi déjà à ses débuts à vivre de son travail d'artiste grâce au grand nombre de commandes qu'il recevait de clients moins aisés ; il peignait beaucoup de portraits et à des prix modestes, ce qui lui permettait d'atteindre à un niveau de vie assez honorable. 29. « Chefs-d'œuvre de mille ans d'art hongrois ». Exposition. Leningrad, Ermitage „A magyar művészet ezer évének kincsei" c. kiállítás, Leningrád, Ermitázs