Korner Éva - Gellért Andor szerk.: A Magyar Nemzeti Galéria Közleményei 5. szám (Budapest, 1965)

MIKLÓS JOBBÁGYI GAIGER 1892-1959 Tous ceux qui l'ont connu — so3 amis et ses confrères disent en parlant de lui: Miklós Jobbágyi Gaiger était extrêmement modeste, fin, solitaire. Artiste sensible, replié sur lui-même, il ne se détendait que dans l'ardeur de la création et avec quelques amis. Dans la rue Orlay, sur le versant du Gellérthegy, il menait une vie tranquille, retirée avec sa mère. La peinture et la musique étaient son unique préoccupation. Il était virtuose du violon, et se connaissait même à la lutherie. C'étaient la forme disciplinée, la beauté classique des œuvres de Bach qui le touchaient le plus. Il s'était fabriqué un violon silencieux pour ne pas génoi­ses voisins: tout ceci témoignait de sa modestie, de sa con­ception de «vivre presque à l'insu de tous». Il jouait remar­quablement aux échecs, József Bgry mesurait volontiers ses forces avec ce joueur méthodique aux réunions coutu­mières du Café Gresham, où ordinairement Egry était battu, parce qu'il aimait les coups risqués. Mais les grandes fêtes, pour Jobbágyi Geiger, étaient les visites de ses amis dans son atelier, quand il pouvait leur montrer ses œuvres. Plein d'angoisses, il méditait anxieuse­ment, minutieusement ses projets avant de se mettre au travail, mais ses tableaux une fois finis, ne révèlent rien de ses soucieuses réflexions, ils sont tous d'une légèreté de touche, d'un réalisme saisissants. Artiste fécond et souple, ü cultivait tous les genres picturaux: il a peint des paysages, des portraits, des nus, des animaux, et en 1951 il s'est même tourné vers un sujet historique. Il préférait l'huile et le pastel. Il s'efforçait toujours de présenter la réalité authentique, de saisir immédiatement le fait, l'événement vécu. La peinture fidèle à la nature constituait son principe artistique fondamental. Il naquit à Szentgotthárd, le 2 novembre 1892; son père était magistrat. Son goût pour la peinture se manifesta de bonne heure: la Basse-cour, peinte en 1905 — il avait à peine 13 ans — nous surprend par son ingéniosité. Après son baccalauréat, il s'inscrit en 1911 à l'École Nationale des Beaux-Arts de Budapest. Son maître fut Károly Ferenczy. Il travailla auprès de cet excellent peintre jusqu'en 1916, et l'on parlait de lui comme d'un de ses disciples les plus doués. Il était en deuxième année, quand Ferenczy lui dit à propos de son Bourricot (1912): «Il ne faut pas peindre beaucoup, mais des tableaux comme celui-ci, on peut en faire.» L'influence de Ferenczy se fait sentir dans les ta­bleaux de sa première période: lyrisme de ses paysages, exa­men des effets de lumière en plein air, préférence des com­positions figuratives, des nus placés dans un espace clos. Dans son «Autoportrait de jeunesse» (1913, Fig. 68.) c'est un jeune homme sympathique, au regard grave, pensif, franc qui nous dévisage; un caractère soigneusement étudié. Il était encore à l'École Supérieure lorsqu'il peignit son tableau intitulé «Poulains parqués» (1914, Fig. 69.), œuvre plein­airiste de valeur, où la lumière tamisée par les feuillages évoque les solutions semblables et les enseignements des tableaux de Ferenczy du debut du siècle. Il visite Vienne ot quelques villes d'Italie, et revient de son voyage d'études enrichi d'impressions nouvelles. Il a vingt-huit ans quand en 1918 il présente sa remar­quable exposition rétrospective au Musée Ernst, où ses nus tiennent une place importante. Son tableau intitulé «Nu vu de dos, devant une draperie rouge» (1918) excellait par son exécution soignée: les reflets de la draperie rouge sont d'un flou admirable dans le dos de la silhouette féminine. — Les critiques ne sont pas encore unanimes; Aladár Bálint, par exemple, dans le «Nyugat» lui reproche entre autres la raideur de ses figures, leur allure de marionnettes. Mais l'article de la revue «Mûvészet» — vraisemblablement de la plume de Károly Lyka — loue «le goût et la technique du peintre». Trois ans après, en 1921, il expose de nouveau au Musée Ernst vingt-trois tableaux, parmi lesquels on remar­que La critique (1920), tableau au sujet intéressant, de petites dimensions, qui présente trois silhouettes féminines déshabillées se penchant avec une légèreté rythmique sur une peinture. L'exécution plastique de ses figures féminines rappelle les nus de Feronc Hatvani. Sa vie paisible, équilibrée, sa carrière de plus en plus belle furent bouleversées par une tragédie de famille: le suicide de son frère cadet. Sous l'effet de ce douloureux événement, il tomba dans la mélancolie, et resta toute sa vie solitaire, angoissé, scrupuleux. A la fin des années vingt, son évolution artistique subit l'influence la plus décisive: celle de Paris. Il y passe trois mois en 1928, six mois en 1929, et en 1931 encore six mois. La Ville, ce foyer merveilleux des arts l'éblouit. Il fut attiré surtout par la conception de Cézanne et de Matisse. Il tra­vaillait beaucoup, il peignait de préférence des composi­tions aux nus et des paysages urbains. Pour ses nus, il employait la technique floue du pastel, dont un bel exemple est «La causerie» (1929) où il a fait entrer un groupe de trois figures dans une composition classique pyramidale. Ses tableaux «Demi-nu au manteau» (1930) et «La femme peintre et son modèle» (1938) sont des œuvres remarquables où l'exécution soigneuse rejoint heureusement la profon-

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