Korner Éva - Gellért Andor szerk.: A Magyar Nemzeti Galéria Közleményei 5. szám (Budapest, 1965)

LES AUTOPORTRAITS DE GYULA DERKOVITS Dans le manuel iconographique du 20 e siècle, qui serait encore à faire, le genre de l'autoportrait occuperait une place importante. Excepté les tendances strictement non figuratives, les représentants de chaque tendance peignent leur autoportrait avec la conscience très nette de leur valeur, et ils se considèrent comme l'incarnation de la vocation «du peintre». C'est un trait général, caractéristique de toute tendance, qu'ils cherchent la place du peintre dans la société. Le sentiment le plus fort du peintre isolé par le mur élevé d'un côté par la société, et de l'autre par le cercle magique qu'il a tracé lui-même, est la solitude qui se convertit souvent en héroïsme offensé. En contemplant l'autoportrait du peintre travaillant avec la plus rigou­reuse logique même, nous avons l'impression que nous som­mes en présence d'une personnalité très importante. Le sentiment de l'importance personnelle est non seulement une simple prise de conscience, mais aussi un engagement. S'assigner de grandes tâches, voilà une des caractéristiques principales de la peinture du 20 e siècle. Les peintres sont non seulement à la recherche de nouveaux moyens de la représentation de l'espace en deux dimensions, des élé­ments fondamentaux de la peinture, mais ils assument souvent le rôle de prophète d'un nouveau monde à venir dont eux-mêmes n'ont qu'un vague pressentiment. A cet engagement s'ajoute une forte conscience de la respon­sabilité. Les autoportraits les plus beaux, les plus sincères sont caractérisés par l'examen presque cruel de la person­nalité, par un étalage des sentiments les plus intimes, par l'extériorisation de la lutte interne. Outre la connaissance de soi-même au moyen de l'analyse, c'est encore l'imagina­tion créatrice qui triomphe dans les autoportraits. Le peintre, transporté par l'élan de son imagination, peut se peindre un nez en vert, des cheveux en couleur de feu, il peut même doter sa main de sept doigts, il n'en donnera pas moins la véritable imago de sa personnalité. Logiquement, penserait-on, ce libre essor devrait trans­former la peinture en une joie sans entraves, et les peintres qui apparaissent sur les toiles en types souverains, délivrés de tout refoulement. Mais, on examinant les portraits, nous voyons qu'il n'en est rien. Assujettissement, lutte contre les forces extérieures et intérieures, voilà ce qui se reflète sur les visages. L'aspect du grand problème social de l'épo­que affectant la personnalité, apparaît sur ces autoportraits avec une sensibilité accrue, et la transcendance n'est pro­mise à la plupart des peintres qu'au prix d'énormes souffrances. Un classement d'après les formes permet de constater dans la peinture européenne, l'oxistonce de quelques types principaux de l'autoportrait conservés par la tradition. L'un de ces types nous montre l'artiste travaillant dans son atelier, et il s'offre comme la représentation par excellence du travail de peintre. Ce type fait son apparition dans l'art du moyen âge en tant que représentation impersonnelle du métier, et — au cours des siècles — il devient le support de l'importance individuelle de l'artiste. Au 20 e siècle la représentation se jette d'un excès dans l'autre: tantôt le peintre veut se représenter comme un artisan obéissant aux lois de la matière, tantôt comme un magicien lié des forces presque irrationnelles. Conformément à ce dessein, le type de l'autoportrait-atelier apparaît sou­vent en même temps qu'un autre type, l'autoportrait psy­chologique. L'histoire de ce dernier remonte aussi à des temps anciens. De Léonard à Rembrandt, de Goya à Van Gogh, de Van Gogh à Kokoschka, les autoportraits des maîtres les plus éminents de l'art européen apportent au jeune peintre qui débute dans la deuxième décade du 20 e siècle la preuve d'une sincérité bouleversante et d'une recherche inlassable de la vérité. Le troisième type d'autoportraits est l'autoportrait dit dissimulé. Ici, le peintre ne fait même pas allusion à son métier, il se donne un autre rôle, il paraît dans un autre milieu. Ce type florissait surtout aux siècles du moyen âge et de la prérenaissance quand l'artiste était fortement entravé par le canon thématique et les exigences du client. La peinture une fois libérée de l'influence du client, ce type disparaît presque sans trace, et quand il réapparaîtra plus tard, il revêtira une signification particulière. En nous nous retraçant dans l'esprit la carrière de Gyula Derkovits, évoquons aussi quelques-uns de ses auto­portraits, et observons comment il y formule la vocation du peintre, et comment il met toutes les manifestations de son individualité au service de la mission qu'il s'est imposée. Les autoportraits constituent une bonne partie de l'œuvre de Derkovits. C'est à la sensibilité du poète lyrique que nous pourrions le mieux comparer son moi qui s'im­prègne de tous les effets. Le moindre frémissement du psy­chisme garde, au cours de sa manifestation, le contrôle de la conscience, et dans ses tableaux, l'expression des senti­ments los plus directs va de pair avec la communication des suites d'idées logiques. Les autoportraits de Derkovits nous permettent de suivre les étapes importantes de son évolu­tion artistique. 1

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