dr. D. Fehér Zsuzsa - N. Újvári Magda szerk.: A Magyar Nemzeti Galéria Közleményei 4. szám (Budapest, 1963)
OBSERVATIONS SUR L'ART DE JENŐ GYÁRFÁS Jenő Gyárfás était un des peintres les plus remarquables en Hongrie au tournant du XIX e et du XX e siècle. L'appréciation juste de son art reste encore à faire. Les observations qui suivent, concernent les esquisses peu ou non connues de deux de ses tableaux. La première fut faite pour préparer la principale figure de la toile La joie de Vhiver, la seconde pour une composition monumentale, Le roi Ladisias V prête serment à la dynastie Hunyadi. Sur toutes les deux on retrouve condensées les exigences de l'époque, les aspirations artistiques et humaines de l'artiste. Au début du XIX e siècle le bidermeyer (style petit bourgeois de Vienne implanté en Hongrie) avait remis à la mode dans la peinture le tableau de genre issu de l'art bourgeois hollandais. Celui-ci resta en vogue tout au cours eu siècle dernier dans notre pays aussi, probablement grâce à la faveur dont il jouissait auprès de la bourgeoisie ascendante. La curiosité des peintres fut retedue par les événements de la vie de tous les jours: foires villageoises, scènes de cabaret et de moisson ou des mièvreries se répétaient sur les toiles. En Hongrie, à quelques exceptions près, ces dernières étaient les plus nombreuses. Si bien que le chroniqueur de l'Exposition Nationale organisée en 1896, à l'occasion de la fête du millénaire de la Hongrie, se vit contraint de remarquer qu'il devait énumérer, «en raison de leur popularité, des oeuvres qui, à la rigueur, peuvent difficilement être rangées parmi les hautes manifestations de l'art. » Cependant il y a eu des cas exceptionnels dont les plus heureux sont ceux de Mihály Munkácsy et, précisément, de Jenő Gyárfás. La haute conscience que ces deux artistes avaient de leur art, sut les préserver de tomber dans la mièvrerie. Sur le tableau La joie de Vhiver (Fig. 35) de Gyárfás nous apprécions avant tout le fait que le peintre y apparaît comme l'interprète lyrique d'un monde réel et qu'il ne cherche pas à transformer le sujet de sa toile selon le goût douteux des paysanneries hongroises, ces drames lyriques populaires. La composition représente, dans le gris du jour naissant, l'étripage d'un cochon, ce qui est un événement courant dans les villages hongrois pendant les jours d'hiver. C'est libre de toute contrainte académique que Gyárfás y rend l'ambiance d'un petit jour brumeux. La mise en place et le groupement des personnages y montrent aussi que le peintre passe outre les règles de la composition académique et qu'il s'inspire, dans son travail, des imagessouvenirs qu'il sut conserver des hasards et des aventures de la vie réelle. Chaque personnage y apparaît bien caractérisé, l'expression du visage, les gestes ainsi que les vêtements témoignent du don d'observation du peintre capable d'embrasser à la fois les détails et l'ensemble. Le personnage principal de la scène qui se joue au second plan, est la mère de l'artiste. C'est elle que représente l'esquisse que nous allons faire connaître. Les personnages du tableau paraissent sous un double éclairage: sous la grisaille du jour naissant d'une part, et sous la blancheur de la neige qui recouvre la cour, d'autre part. Il est facile de constater dans l'évolution artistique de Gyárfás le perfectionnement de l'éclairage de ses tableaux devenant de plus en plus riche, compliqué et imprégné des émotions sensorielles du peintre. Sur le tableau Confrontation avec la dépouille de la victime, une des principales oeuvres de Gyárfás, les deux éclairages différents se manifestent encore chacun en un plan distinct: la lumière fauve de la chapelle ardente ne se reflète pas sur les personnages se trouvant au-dehors baignés de la lumière du jour. Par contre, sur les tableaux La joie de Vhiver et Le roi Ladisias V prête serment à la dynastie Hunyadi l'éclairage venant de deux côtés, présente les personnages dans une riche variété de reflets, tandis que sur le tableau Dans la bataille de Kökös, resté inachevé, le peintre va encore plus loin en essayant de rendre le plein air de la lumière du jour. Cet enrichissement de la technique de l'éclairage ne s'est pont fait d'un seul coup, comme l'esquisse du principal personnage de La joie de Vhiver que nous allons étudier, le montrera bien. Ma Mère (étude faite pour La joie de Vhiver, 46 x 34 cm, huile, toile, signée à droite, en haut: «L. Gyárfás 1883. » Galerie Nationale Hongroise.) (Fig. 36). Cette étude semble être un portrait ce qui rompt l'unité de la conception artistique, le visage étant peint avec une grande richesse de détails, tandis que les vêtements sont très sommairement esquissés. La mère se tient, légèrement tournée à gauche, au milieu du tableau, et se détache bien sur le fond vert-brun d'une toile de lin. Sa main gauche repose sur sa hanche, dans sa main droite elle serre une bouteille d'eau de vie et une chopine en fer-blanc. Son corsage bleu moyen à carreaux blancs et sa large jupe noire froncée ainsi que son tablier d'un blanc lumineux ont permis à Gyárfás d'enrichir de nuances délicates les couleurs bien assorties de son esquisse. Le visage serein est, par contre, très détaillé, sans doute à cause du souci de la ressemblance. Le dessin y est presque sec, d'une tonalité tout académique. L'identité absolue du mouvement du