dr. D. Fehér Zsuzsa -Párdányi klára szerk.: A Magyar Nemzeti Galéria Közleményei 3. szám (Budapest, 1961)
Le visage de Platov, sec et rude, mais avec une expression de bonté, ainsi que nous le représente la gravure de Klauber, correspond entièrement à la description de Rovinski. On date de 1809 le portrait perdu de la mère d'Araktchéev. Nous ignorons comment Rombauer a pu obtenir •la commande du favori tout puissant, ce despote redouté, qui terrorisait alors presque toute la Russie. C'est la communication d'un des descendants d'Araktchéev, Makcbéev, publiée dans la revue «L'Ancienneté Russe» — «Rousskaja Staryna», 23 qui nous prouve l'existence de ce portrait. L'héritier du comte Araktchéev et des descendants de sa cousine germaine N. N. Jerebtsova, A. I. Makchéev a hérité d'une partie du bien patrimonial du comte Araktchéev de même que de «certains papiers, des portraits et quelques autres objets», assez intéressants. Parmi ces objets il y a un beau portrait de la mère du comte, Elizaveta Andrejevna Araktchéeva, peint par Rombauer en 1809 et enregistré par A. I. Makchéev sous le numéro 5. «Le portrait est dans un cadre doré, mais il a des dimensions plus grandes que tous les précédents (hauteur 1 % sur 1 archine)». On peut conclure des dernières lignes du registre, composé par Makchéev («les deux portraits N° 6 et N° 7 ne sont pas à Pétersbourg c'est pourquoi je ne peux pas les décrire en détail») que le portrait qui nous intéresse se trouvait à Pétersbourg en 1891. Dans les lettres d'Araktchéev publiées dans la même communication, une demande adressée à son frère revient plusieurs fois; c'est une prière de «lui procurer un canari avec une cage et de la nourriture. » «L'encyclopédie des hommes mémorables de la terre russe» de Bantich Kamenski de 1847 cite quelques faits qui montrent l'attitude d'Araktchéev, un des plus cruels serviteurs du tsarisme, à l'égard de sa mère peinte par Rombauer. On sait qu'Araktchéev refusa plus d'une décoration, même l'ordre de l'apôtre Saint André. Il a rendu à l'empereur les diamants et le portrait dont le tsar voulait l'honorer. On dit, écrit Bantich Kamenski qu'Alexandre I er avait l'intention d'accorder à la mère du comte Araktchéev le titre de dame d'homieur, mais Araktchéev l'a refusé. Alors, le souverain lui dit avec mécontentement : «Tu ne veux donc rien accepter de moi ». «Je suis bien heureux d'être digne de la bienveillance de Votre Majesté, mais je vous supplie de ne pas faire de ma mère dame d'honneur. Elle a passé toute sa vie à la campagne. Si elle vient ici, les dames de la cour se moqueront d'elle; et, dans sa vie isolée elle n'a pas besoin de ce titre. » Plus tard Araktchéev a dit à des amis intimes: «C'est seulement une seule fois dans ma vie, que je me suis rendu coupable à l'égard de ma mère, c'est en lui cachant que l'empereur lui avait conféré un grade supérieur. Elle se serait fâchée contre moi, si elle avait appris que je l'avais privée de ce titre.» Il a été déjà dit plus haut que Rombauer avait participé à l'exposition de 1810. Mais le «Courrier du Nord» (N° 92 du 17 septembre 1810) ne cite que trois de ses portraits — ceux d'Ouvarova, d'Uinski et de Sestrentsevitch. Un document intéressant, trouvé dans les archives de l'Ermitage et daté de 1810 a été révélé à l'auteur de la présente étude par O. E. Voltzenbourg. Une note du 7 octobre 1810 atteste que «Rombauer, peintre étranger, a reçu le billet d'entrée et la permission de copier les tableaux de la célèbre collection». Cette communication est d'autant plus intéressante, que deux portraits connus de Rombauer, exécutés après cette date manifestent un renouvellement de sa manière: sa vision artistique s'est sérieusement transformée. Ces qualités nouvelles se font déjà sentir dans le portrait du général Litvinov, de 1812, conservé au Musée de Jitomir (Fig. 11). Le mouvement pris sur le vif, le raccourci hardi, le modelé énergique, la compréhension imprévue des valeurs, annoncent non seulement un peintre doué, mais déjà un maître. Les deux oeuvres lui succédant sont deux portraits, signés par l'auteur et datés de 1813; ce sont deux portraits de l'auteur par lui-même, dont l'un se trouve au Musée d'Arkhangelskoje, l'autre à la Galerie Nationale à Budapest. D'après les renseignements que nous nous sommes procurés du Musée d'Arkhangelskoje, le portrait de Rombauer se trouve au palais des Joussouov à Arkhangelskoje dès 1827 (Fig. 12). Ses dimensions sont de 73 X 60 cm, il porte une signature dans le coin gauche — «Joh. Rombauer. Se ipse pingebat anno 1813». Mi-figure, sans mains; le peintre s'est peint à contre-jour. La lumière éclaire l'épaule, le cou, le col blanc rabattu et une partie de la joue; un visage rond sans moustache et barbe, des cheveux en désordre, un petit nez un peu retroussé, des yeux noirs largement ouverts, lèvres molles, presque enfantines. Il est impossible de ne pas remarquer un élément nouveau — l'effet peu ordinaire de la lumière, bien rendu, mais laissant dans l'ombre la partie principale du portrait — la figure, éclairée seulement par des reflets. Cette manière du peintre de rendre la lumière se joint à une technique nouvelle: le peintre empâte sa couleur pour faire ressortir la lumière sur le blanc du col. Ainsi tout est neuf: et le personnage qu'il peint, et la manière du peintre de le voir dans l'atmosphère et de le rendre par de nouveaux moyens techniques découverts par lui. En même temps, cette oeuvre précieuse nous met en présence d'un problème curieux: le personnage du portrait ne semble avoir que 20 ans, tandis que Rombauer en 1813 devait avoir 35 ans. Ce qui est étrange, le personnage du portrait de Budapest (Planche I.) daté de la même année représente en effet un homme de trente cinq ans aux favoris et ne semble pas ressembler beaucoup à celui du portrait d'Arkhangelskoje.