dr. D. Fehér Zsuzsa - Kabay Éva szerk.: A Magyar Nemzeti Galéria Közleményei 2. szám (Budapest, 1960)

la composition et dont les principaux représentants étaient en France les nabi et en Hongrie, le peintre József Rippl-Rónai. Cette tendance de l'artiste est indiquée notamment par les contours et les grandes surfaces unies, de caractère décoratif, de ses premiers tableaux. Il s'en écarte cependant par ses couleurs estompées et par le caractère ornemental de ses grandes surfaces et des ses draps peints ou gravés. L'atmosphère très dense qui se dégage de ses tableaux est aussi un des traits individuels de son art. Il s'agit là d'un effort voulu et non d'une facilité, effort qui caractérise non seulement sa première période, mais toute son activité. «Je cherche à exprimer des senti­ments qui tout en m'étant particuliers, sont éternelle­ment humains. Il ne s'agit pas simplement de repré­senter quelque chose par les moyens de la peinture, mais d'introduire dans mes tableaux une espèce de contenu spirituel qui, au-delà des éléments communs à tout tableau (construction, composition, couleurs) les différencie de toute autre oeuvre», nota-t-il en 1935. Et quelle est l'atmosphère des premiers tableaux d'Ámos ? Elle n'est ni sereine, ni enjouée comme celle des maîtres auxquels nous l'avons rattachée. Au contraire, ses tableaux sont empreints de mélancolie, de dépression et d'anxiété. Telle est l'atmosphère oppressante que nous retrouvons notamment dans le «Jeune homme mangeant du raisin», dont le person­nage, à la manière de Proust, évoque le temps perdu à l'aide du goût du raisin; ou de celle du «Souci» (fig. 53.), un personnage au dos voûté, solitaire dans un espace morne, fermé par une fenêtre grillagée ; telle encore l'atmosphère des « Rêveuses » ou des « Couturières », personnages qui, visiblement, s'interro­gent sur leur avenir. Les oeuvres des cinq premières années de l'activité d'Ámos nous révèlent un jeune artiste qui travaille inlassablement à embellir son style et à approfondir le contenu de ses tableaux. Malgré le caractère assez fluide du contenu, les formes sont toujours rigoureuse­ment délimitées ; nous sommes en présence d'un artiste aux constructions et aux compositions sévères. La mort de sa mère fut le premier événement qui contribua à assouplir les rapports de l'artiste avec le monde sensible. A partir de ce moment-là, il ne se contenta plus de suggérer des états d'âme par l'at­mosphère qui se dégage d'objets concrets, il chercha aussi à fixer ses pensées par des images. C'est là une période de transition qui devait aboutir au contenu et au langage pictural de l'artiste vers la fin des années 30, nés dans l'atmosphère étouffante de la veille de la guerre. Dans le tableau intitulé « Devant la glace de mon arrière-grand'mère » (fig. 54.) dont le style déco­ratif est dû à des lignes et à de grandes surfaces, l'ar­tiste, debout devant un vieux miroir, voit se profiler, sous l'influence d'objets familiers, les traits de sa mère, de sa grand'mère et de son arrière-grand'mère. Cette vision n'est plus simplement exprimée par une atmosphère comme c'était le cas du « Jeune homme mangeant du raisin»; l'artiste peint effectivement sur le miroir les contours nébuleux de ces vieilles femmes. De là, à donner libre cours aux pensées en images, à les admettre parmi les objets sensibles de la réalité et à les confondre avec eux, il n'y avait qu'un pas. Par la suite, son style subit une lente et graduelle transformation. Tout en gardant provisoire­ment le caractère terne et mélancolique de sa gamme de couleurs, il donne à ses tableaux, riches en éléments décoratifs, un caractère plus désordonné et plus pitto­resque. On y voit apparaître d'étranges visions, telles qu'en évoque l'imagination dans des rêves ou dans un état de demi-sommeil. A cette époque-là, à la fin de la seconde guerre mondiale, l'artiste ne cherche pas encore à donner corps à ses visions. La plupart du temps, les rêves sont simplement indiqués, ils entou­rent comme dans un halo le visage réel du rêveur. Pensons au rêveur du divan vert à qui un vieillard aux contours flous fait la lecture ou à l'action du montreur d'ours (fig. 55.) imaginée par un jeune homme qui occupe la partie inférieure du tableau. C'est à cette même époque que l'imagination de l'artiste donne naissance à un petit être ailé qui revêt tantôt la forme d'une muse assise sur la casquette de l'artiste et lui glissant des mots doux à l'oreille, tantôt celle d'un chat ronronnant couché sur le bras ou la toile de l'artiste, tantôt celle de l'ange du Jugement Dernier qui plane, sinistre, au-dessus du paysage. Ces visions abandonnent d'ailleurs de plus en plus le passé et se rapprochent du présent qu'elles évoquent sous forme de cauchemars. L'ombre du destin tragique, vague­ment pressenti, remplit ses tableaux d'une angoisse sans nom. Nous y sentons la proximité de la mort, même si rien dans leur sujet ne semble l'évoquer. Le panorama de la ville de Szentendre entouré de lu­mières cosmiques (fig. 50.) ou une nature morte peinte avec des couleurs translucides, deviennent les sym­boles de ces années difficiles, au même titre que les diverses variantes des «Années sombres». « Le­rn ontreur d'ours», sujet pourtant plaisant, devient la personnification d'un destin implacable qui tiraille le monde à sa guise et dans «L'ange de la mort» (fig. 57.) ses angoisses et ses terreurs deviennent une réalité claire et compréhensible. Les raisons de ces changements de style, il faut les chercher dans l'am­biance brûlante de la veille de la guerre qui influença complètement la vie d'Ámos. Plus d'une fois, sa di­gnité humaine fut bafouée. Il perdit pour un certain temps, jusqu'à son mo­deste atelier et dut se retirer avec sa femme dans une

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