dr. D. Fehér Zsuzsa - Kabay Éva szerk.: A Magyar Nemzeti Galéria Közleményei 2. szám (Budapest, 1960)

aussitôt j'applique les couleurs. Ce sont ces couleurs que je modèle après, j'étudie l'effet qu'elles font et c'est d'elles que je développe le dessin, que je tire l'intensité de la lumière, les tons, tout. Je crois que la couleur est le plus grand avantage et le moyen le plus puissant dont dispose l'artiste. L'autre chose, c'est la nature. Elle est la source de nos inspirations et de nos impressions. Elle a encore un avantage incomparable : elle est toujours là pour le contrôle. C'est elle qui empêche l'artiste de s'égarer, c'est elle qui ramène toujours l'art à lui-même s'il lui arrivait de quitter la bonne voie qui est celle de faire naître par les moyens les plus simples et de la manière la plus directe et la plus appropriée l'illusion de la nature, de la réalité. Si, à ce moment, je peins un tableau, on pourra, dans les siècles à venir, se convaincre de sa vérité, de sa sincé­rité, de son honnêteté. C'est ce qui me fait aimer, me fait estimer l'art du peintre. » Après cette confession de foi de Szinyei, faite à la peinture, retournons dans l'atelier où il travaille à son Déjeuner sur Vherbe. C'est dans la seconde moitié d'août qu'il commença à peindre les figures. Il peignit la femme en blanc d'après Madame Gundel­fingen (fig. 16.) et l'homme étendu dans l'herbe, d'après Viotti, architecte italien. L'autre femme en robe rose était un modèle professionnel. Elle avait pour partenaire Zsigmond Luzsénszky. Szinyei faisait poser ses modèles un à un, dans l'éclairage uniforme de l'atelier sans jamais les réunir. Il commença par faire des esquisses au crayon. Il ne se mit pas à peindre avant d'accorder les couleurs avec le paysage et la lumière du soleil imaginée (fig. 17., 18.). C'est cet effort qui lui fit rendre le rose pâle de la robe par un rose touchant au mauve. Dans la collection de dessins de Szinyei se rencontrent peu de dessins relatifs au Déjeuner sur Vherbe. Nous y en avons trouvé en tout et pour tout 16. Mais les 5 études poussées faites pour l'homme accroupi, nous permet­tent de supposer que Szinyei a exécuté plusieurs dessins aussi pour les autres figures, mais ceux-ci ont dû s'égarer par la suite (fig. 19., 20). C'est alors qu'il peignit les deux femmes à l'ombrelle. Son album à croquis conserve toujours un dessin de Böcklin, tracé à la hâte, représentant les deux figures coupées par la ligne de l'horizon à la hauteur des genoux, afin de donner plus de perspective au tableau (fig. 21.). Szinyei y ajouta de sa main : « Dessin de Böoklin ». Avant d'exécuter le grand tableau, Szinyei avait fait une seconde esquisse (fig. 8.) que les spécialistes ont longtemps considérée comme la première ébauche du tableau. C'est sur ce carton que Szinyei a étudié l'effet du coloris pendant qu'il travaillait, il lui tenait lieu de palette. En septembre il laissa, de côté l'ouvrage presque achevé. Il avait d'autres idées déjà, et des ennuis pécuniaires. Il voulait peindre des tableaux pour le commerce, c'est peut-être pour cela qu'il choisit un format étranger à lui : celui des tableaux de Spitzweg, tableaux de petites dimensions, allongés et se ven­dant bien à l'époque. Il peignit donc; VIdylle pour un marchand de tableaux qui voulait le vendre en Amérique. Mais l'oeuvre échappa à ce sort parce que l'artiste avait reçu des subsides de son père et que Fleischmann, marchand d'objets d'art, lui avait acheté entretemps la Cabine de bain et une autre toile faite précédemment, la Pousta avec cigogne. Ce fut donc dans un état d'âme plus serein qu'il fit la première ébauche de son Rococo I. Cepen­dant Benczúr était revenu et Szinyei dut chercher un autre atelier. Il en trouva un bientôt, rue Arcis. Il s'y installa début novembre. Vers la fin décembre 1872, il écrivit à son père : « Quant à moi, je n'ai pas trop à me plaindre, je travaille de toute vapeur à mon grand tableau que j'ai laissé longtemps repo­ser. C'est le travail qui me console, me distrait, et m'amuse. Je ne me soucie nullement de ce qu'on en pensera ! » Les deux premiers mois de 1873 furent occupés par le Déjeuner sur Vherbe quoique l'artiste eût le loisir de brosser les deux esquisses aux vigoureuses couleurs pompéiennes de son Atelier (fig. 22 — 23.). Sur la seconde, on aperçoit sur le chevalet le Déjeuner sur Vherbe dans un cadre doré. C'est à cette époque qu'il termina l'homme accroupi d'après le frère cadet de Gabriel Max (Pl. IL) et aussi l'homme couché à plat ventre d'après un modèle professionnel pour qui il avait emprunté une veste de velours brune. Plus tard il lui donna les traits de son propre visage en s'aidant de deux glaces (Pl. III.). En mars il reprit le tableau et réussit à lui donner une harmonie parfaite qu'aucun élément dissonant ne trouble. On ne peut s'imaginer le paysage sans les figures et les figures sans le paysage. Si l'églantier ne se dressait pas devant le champ de seigle, il nous manquerait de même que nous trouverions vide le coin gauche du tableau sans les deux femmes aux ombrelles et le nuage blanc léger au-dessus d'elles. Fin mars cette composition plein-air comme l'appelle si bien Ybl, critique d'art hongrois, était achevée. Mais c'était une composition plein-air faite dans l'atelier, il faut le reconnaître. En 1896 quand l'État hongrois acheta pour 1800 forints le Déjeuner sur Vherbe, János Peregriny, secrétaire de la Galerie de la Peinture s'adressa à Szinyei pour lui demander une description du tableau pour le catalogue du musée. Szinyei répondit comme suit :

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