dr. D. Fehér Zsuzsa - Pásztói Margil szerk.: A Magyar Nemzeti Galéria Közleményei 1. szám (Budapest, 1959)

figuration encore plus dépouillée et ébauche, en quel­ques traits rapides et effacés, la solution définitive où l'ombre du chat trouvera sa place définitive et occu­pera une position opposée à la ligne de l'inflexion des têtes. La volonté de dépouiller le thème, de le réduire aux seuls éléments essentiels en mettant ceux-ci au premier plan et en les faisant ressortir et les accen­tuant encore par des coupes hardies, ce sont des qua­lités spécifiques qui apparaissent, dans l'art de Der­kovits, dès le début de son indépendance et qui comp­teront toujours parmi ses moyens d'expression les plus personnels, restant dominants dans ses oeuvres. Pour ce qui concerne la structure intérieure de la composition, le peintre se montre maître de la com­position en surface plane, dépouillée de tout élément superflu, susceptible de détourner l'attention, où par la disposition appropriée des masses et des lignes, il arrive à suggérer l'impression vécue de la réalité. Il opère avec des contrastes de couleurs et de formes sans que leurs oppositions produisent jamais une con­tradiction dans le style ou en compromettent l'unité. Ici, il fixe le plan du tableau énergiquement par la sil­houette massive et sombre du profil du peintre, profil bistre tirant sur le rouge (la chemise est bleu gris), auquel se colle presque la tache relativement claire du visage de sa femme représentée en face et ombrée d'ocre tirant sur le vert (sa robe est brun terre brisée) ; la différence de valeur suffit pour les séparer et rendre sensible la profondeur. Avec la fenêtre poussée, il ouvre le fond et il le ferme aussi puisqu'il projette sur une grande partie du mur mi­toyen en face, de couleur ocre dorée, l'ombre vert terni du toit de la maison et celle du chat ; par un dosage attentif de la lumière, il relève la silhouette de l'oiseau brun se trouvant au rebord du mur mi­toyen et le bout du ciel bleu outremer où passent de petits nuages roses effilés. Une partie de la lumière venue du haut se reflète sur le devant, en passant sur le visage de la femme et l'ordonnance que le peintre tient dans la main ; elle éclaire, comme un réflecteur, les deux foyers du tableau : le morceau de pain posé sur l'appui de la fenêtre et, tout près de celui-ci, l'autre exemplaire de l'ordonnance. Il y a de la lumière sur la fenêtre aussi ; par les lignes horizontales du châssis et par l'appui de la fenêtre, l'artiste donne de la perspective à la chambre. Comme on le voit par cette courte description, Derkovits «danse sur la corde à nous faire dresser les cheveux». Partant de la conception qu'il avait, un autre peintre de talent moyen en aurait fait inévitablement un tableau de plein-air aux contrastes conventionnels. Derkovits était un maître de son art, il savait d'avance, sans aucune erreur possible, comment arriver au but. Contrairement à la plupart 52. Gyula Derkovits (1894-1034): Esquisse pour l'Ordonnance. 1930. Derkovits Gyula (1894-1934): Vázlat a Végzés-hez. 1930. de ses contemporains, il ne se laissait pas entraîner à rompre l'unité de son style, ainsi son oeuvre ne se transforme jamais en un tableau de plein-air soucieux seulement des effets ni en une décoration bâclée do la surface. Pour transmettre clairement le fond de sa pensée dans sa composition, il recourait à la création de formes extraordinairement simples et expressives, constituées non pas par le dessin séparé des éléments picturaux mais par des silhouettes tracées à grandes lignes,qui accusaient le caractère et séparaient les surfa­ces de couleurs entre elles ; il ne représentait une struc­ture intérieure qu'au cas où la représentation de la réalité l'exigeait immanquablement. Nous avons dit que les éléments dont il se sert pour rendre l'espace sensible no troublent jamais la structure de la sur­face plane dans le tableau parce que le maître a un sons do tonalité et un sens de valeurs absolument exacts. Comme le connaisseur de musique ayant l'oreille fine apprécie l'intervalle au juste, Derkovits conçoit et sent, avec une précision absolue, la moindre nuance entre les couleurs. Si « F Ordonnance du juge » est devenue un véritable chef-d'œuvre pictural c'est que le peintre a su fixer parfaitement le rapport dos tonalités, assortir les couleurs avec finesse et on déterminer le degré de chaleur de telle sorte que les différences qui existent entre elles ne dépassent jamais les limites imposées par l'unité du tableau. Toutefois, la grandeur artistique de Derkovits ne se manifeste pas seulement dans l'unité organique où la disposition des formes, dans ses oeuvres, s'allie

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