Mitteilungen des Österreichischen Staatsarchivs 25. (1972) - Festschrift für Hanns Leo Mikoletzky
TAPIÉ, Victor-L.: Le Ciel accaparé. Note sur la dévotion mariale dans les perspectives politiques du XVIIe siecle
Le Ciel accaparé Note sur la dévotion mariale dans les perspectives politiques du XVIP siécle Von Victor-L. Tapié (Paris) On voudrait appeler l’attention dans cette note sur un aspect de la vie religieuse au XVIP siécle qui concerne aussi l’histoire politique et celle des mentalitás et dönt l’étude plus approfondie serait féconde. II s’agit de la maniére dönt les gouvernements catholiques ont publiquement revendiqué pour leurs entreprises ou leurs guerres, la protection spéciale des Saints et surtout de la Vierge, au point de les identifier á leur propre cause. Rien de plus légitime alors que le recours á l’intercession des Saints dans la société catholique: le Concile de Trente en avait justifié avec minutie le caractére et avait recommandé l’usage. En ce qui con- cernait la Vierge, l’Eglise enseignait que, pourvue de graces insignes, eile était, dans la hiérarchie céleste, supérieure á tous les autres Saints, cepen- dant trés inférieure á Dieu, mais dans une condition de médiatrice privi- légiée. II était done natúréi de l’invoquer comme la plus puissante et, dans toute détresse personelle, les fidéles n’y manquaient pás. D’oú le succés et l’intensité de la dévotion mariale. Mais il y avait quelque chose de plus particulier dans le fait de placer un pays sous la protection de la Vierge par un acte solennel, public et politique. Cette démarche ne comportait-elle pas le risque de paraitre subordonner le pays ä l’Eglise? Elle pourrait, dans un certain sens, surprendre, lorsqu’elle provenait de princes qui distinguaient nettement leur pouvoir temporel du pouvoir spirituel, dönt les gouvernements se préoccupaient d’affirmer leur indépendance vis-á-vis du Saint-Siége, de n’admettre pas que le Pape pút déposer un Roi et décider de sa légi- timité. En réalité, l’appel s’adressait directement au Ciel, par dessus l’Eglise, bien qu’á travers eile, puisqu’il n’était concevable que dans l’atmosphére de confiance envers la Vierge et les Saints, renouvelée et précisée, par les décisions du Concile de Trente (XXIVe session sur le culte des Saints). L’acte était done intimement lié au elimat spirituel de la Contre-Ré- forme. II supposait une ferveur personnelle ou tout au moins une convic-